Peintres étrangers pendant la Grande Guerre
Mots-clés :
C.R.W. Nevinson, Otto Dix, George Grosz, Paul Nash, Alexandre Zinoview, Ossip Zadkine, Gino Severini, peintres,
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1917, les artistes face à la Grande Guerre
La guerre moderne doit être peinte de manière moderne
Les artistes des avant-gardes européennes comprennent que la guerre doit être peinte de manière moderne et s’appliquent à trouver des moyens nouveaux adaptés à la nouvelle et monstrueuse réalité. Le temps du réalisme héroïque et des allégories patriotiques n’est plus.
À l’explosion des obus, à la toute-puissance de l’artillerie, aux nuages des gaz mortels, à la guerre totale, il faut que les lignes se brisent, que les couleurs éclatent pour donner à sentir la violence inhumaine du combat. Ces moyens sont, pour la plupart ceux du cubisme, du futurisme, de l’expressionnisme, de l’abstraction.
http://fra.1september.ru/article.php?ID=200801523
Christopher Richard Wynne Nevinson (1889-1946), britannique
Peintre anglais, dans ses œuvres, il exprime l'idée que la guerre moderne doit être peinte de manière moderne. Pour lui, il est impossible de représenter les explosions des obus, ou le déchaînement de l’artillerie : il ne faut plus imiter, il faut transcrire. Pour exprimer la déshumanisation et la violence de la guerre, il brise les lignes, délaisse le détail, pour faire éclater les couleurs.
Explosion d’obus (Bursting shell), 1915
Huile sur toile (H : 0,76 m ; L : 0,56 m), Londres
Machine gun
Retour aux tranchées, 1914
Retour aux tranchées, 1914-15
Les chemins de la gloire, 1917
George Grosz (1893-1959), allemand
Engagé en 1914, l’artiste, par la multitude de ces croquis et gouaches, fait le procès-verbal de l’épouvante de la guerre. Des cadavres abandonnés, les trous d’obus lacérant la terre, les visions atroces des combats le hantent, et même après la guerre, il reste profondément marqué par ces visions.
L’esthétique expressionniste, que Grosz commence à développer encore avant la guerre, lui est utile pour documenter ses impressions d’épouvante du conflit.
“Explosion”, 1917
Journée grise, 1923, George Grosz, (Berlin, Staatliche Museen). Dans son réalisme cru de la post-guerre, cette image représente un matin dans la périphérie de Berlin.
Au premier plan, le protagoniste, un fonctionnaire gouvernemental des pensions pour les mutilés de guerre. Habillé avec beaucoup de soin (il affiche même une médaille), ses jeux strabiques protégés d’un pince-nez, le bureaucrate est la vive image d’une assistance fuyarde et pédante. Symboliquement, un muret de briques et d’indifférence sépare le fonctionnaire du rapatrié.
À l’arrière plan, un ouvrier se dirige à son travail et dans un coin, apparait la figure furtive d’un négociant du marché noir, véritable directeur voilé de ce scénario sordide.
Paul Nash (1889-1946), britannique
Paul Nash (1889-1946) est un peintre et graveur sur bois britannique. Il fréquente la Slade School of Art de Londres. Dès 1914, il jouit d’une certaine reconnaissance. Pendant la Première Guerre mondiale, il est recruté en tant qu’artiste de guerre. En 1917, il est enrôlé dans les Artits’ Rifles et part sur le front occidental. Il travailla en tant qu'artiste officiel des deux guerres mondiales et s'attacha à peindre l'horreur des tranchées et les patrouilles des avions de chasses.
A howitzer firing, 1918
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Paul Nash, peintre officiel britannique de la Grande Guerre
Alexandre Zinoview (1889-1977), russe
Peintre russe arrivé en 1908 à Paris, rapidement connu à Montparnasse où il fréquente ses compatriotes, Alexandre Zinoview se lie d’amitié avec Diego Rivera et connaît Picasso. Le 24 août 1914, il s’engage volontairement dans la Légion étrangère pour cinq ans afin de défendre sa patrie d’adoption et sceller par son exemple personnel l’alliance franco-russe. Jamais blessé, son destin militaire n’a pourtant rien d’un long fleuve tranquille : chaque année, il expérimente une nouvelle manière d’être un Russe faisant la guerre en France.
Engagé volontaire, Zinoview n’est pas mobilisé comme peintre aux armées et ne bénéficie d’aucun traitement de faveur : personne ne cherche à utiliser ses talents particuliers. Il fait une expérience directe de la guerre, même s’il sert aussi dans des positions plus protégées et que son long séjour à Lyon en 1918 l’éloigne de la furie des champs de bataille.
Alexandre Zinoview, 1914
Fresque à la gloire de la Légion étrangère, 1918
Les mains qui parlent, Champagne 1916
La souffrance
La nuit d'étape, Champagne 1916
Soldats russes et français conversant (extrait), Champagne 1916
La sentinelle
Le Printemps, Champagne 1916
Fantasme, Champagne 1916
Soldats de l'an 14
La main coupée
La ligne de chance
Joueur d'accordéon
https://issuu.com/baranes/docs/zinoviewcendrars_2018__extrait_
Ossip Zadkine (1890-1967), russe
Ami de Modigliani, l’artiste s’engage dans l’armée française en 1916 comme brancardier. Il est gazé la même année. Avant sa blessure et lors de sa convalescence il dessine beaucoup. Les images de son quotidien : les blessés sur les civières, les tentes, les voitures de la Croix Rouge, les mutilés font sa chronique de l’époque.
Ses croquis sont marqués par les traits cubistes et ne sont que sa vision de la guerre sans pathétique, ni horreurs soulignées.
Loude, 1916
Otto Dix (1891-1969), allemand
Autoportrait en soldat, 1914
Mobilisé dès le début de la guerre dans l’armée allemande le peintre passe son service en première ligne. Il réalise plusieurs ouvrages montrant les ravages que la guerre a produits en soldats. Il exécute, lorsqu’il est soldat, toutes sortes de croquis, mais il ne réalise ses grands tableaux sur le sujet qu’après 1918. L’artiste veut à tout prix éviter de montrer le caractère héroïque du front pour ne pas se laisser répandre les mythes sur la guerre moderne.
Pour traduire ses visions cauchemardesques de la guerre, Otto Dix y recourt avec une intensité exceptionnelle. Avec Dix, la peinture de guerre est totalement vulgaire. La série de 50 gravures intitulée La Guerre et réalisée par Dix en 1924, montre le pouvoir de destruction inégalée que la guerre produit sur les êtres humains à travers les corps mutilés et détruits gisant à l’état des squelettes dans des paysages apocalyptiques.
Rien n’y fait place au symbolisme. Rien n’est sous-entendu. L’horreur de l’hécatombe est peinte sous ses vrais traits. Au moment où Dix exécute cette œuvre, il y a un certain temps que la guerre est terminée, mais le souvenir de quatre années d’horreur se sent encore dans son coup de pinceau et de plume. Un cadavre gît encore avec son masque à gaz au visage, ses compagnons passent à côté de lui avec une indifférence totale.
Représentation du chaos : chute des corps grâce au positionnement des personnages ; les membres s'agittent et expriment la violence de l'assaut, mains aux doigts crochus, bras en ciseaux cherchant une issue vers le haut de la tranchée, jambes aux angles droits se brisant par terre.
De 1920 à 1923, Dix peint Der Schützengraben (La Tranchée), qui est achetée par le musée de Cologne, lequel doit y renoncer en raison des protestations publiques, avant que la toile, saisie en 1933 par les nazis, ne soit probablement détruite.
Selbstbildnis als Mars, 1915
Autoportrait en mars 1915
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Otto Dix, 23 ans en 1914
Gino Severini (1883-1966), italien
Peintre italien installé à Paris (Cortona 1883 - Paris 1966). Il débute comme élève de Giacomo Balla, un des plus grands peintres futuristes italiens. Il s’installe à Paris en 1906 et fréquente l’Avant-Garde artistique (Fauvisme, Cubisme).
Lʼentrée en guerre de lʼItalie en 1915 lui fournit l’occasion d’expérimenter ses théories artistiques. Contrairement à de nombreux artistes de sa génération, il n’est pas mobilisé dans l’armée. Sa vision idéalisée de la guerre se heurte à une réalité qu’il n’avait pas imaginée. Dès 1916, il renonce à peindre la guerre, qualifiant ses sujets guerriers de « réalisme idéiste ».
Il produit désormais des natures mortes de style cubiste. Il manifeste aussi un grand intérêt pour la chronophotographie et s’attache dans sa peinture à décomposer les différentes étapes du mouvement des êtres vivants.
Train blindé en action, 1915
Inspirée d’une photographie publiée dans le journal français Le Miroir, le 1er novembre 1914, cette peinture rassemble plusieurs éléments qui caractérisent le mouvement artistique du Futurisme italien. La légende raconte comment le convoi « ayant franchi à toute vapeur les premières lignes ennemies, […] vient de stopper, et déjà ses pièces d’artillerie, braquées sur les tranchées allemandes font feu. […] Contre les cuirasses de la locomotive et des wagons, les balles sonnent sans discontinuer ».
Au centre, le long d’un axe vertical, sont alignés cinq soldats et un canon embarqués dans un train blindé et faisant feu sur l’ennemi. Sur les côtés, différentes formes géométriques blanchâtres ou colorées dessinent un paysage rempli de fumées et d’explosions. Des lignes
obliques s’entrecroisent comme les trajectoires des projectiles et les silhouettes des fantassins sont dominées par le tube du canon. La fumée enveloppe la scène, fumée peinte « à la Léger », par plans courbes feuilletés.
Le tableau procure une sensation dʼénergie et de vitesse. Cette façon lumineuse et positive du train blindé nous permet de relever lʼéloge de la machine et de la guerre.
Canons en action, 1914-15
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