Les monuments aux morts en Essonne
Mots-clés :
monuments aux morts, Etampes, Ballancourt, Ris-Orangis, Longjumeau, La Ferté-Alais, Essonne,
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Représentations féminines sur les monuments aux morts
L'inauguration des monuments aux morts
En Essonne, l'édification des monuments n'a jamais connu d'opposition notable dans les assemblées municipales (à l'exception près de celle du Parti Socialiste de Corbeil qui invoque le coût important dont l'utilité aurait été bien plus profitable aux nécessiteux. Les Corbeillois se contentèrent du monument aux morts érigé en 1907 à la mémoire des victimes de la guerre de 1870/1871). Les débats éventuels ne viendront que par la suite quant aux emplacements ou aux symboles apposés sur la pierre..
Le financement à recours à la souscription publique, organisée par le « comité du monument ». Ainsi, 63 % des communes de l'Essonne y ont recouru, et de ce fait, le don est ainsi pour beaucoup assimilé à l'hommage.
La souscription est souvent annoncée par affichage, voire sollicitée par lettre, et reprise par les journaux. Elle peut atteindre jusqu'à 77 % du coût, connue à Grigny, mais aussi stagner à 6 % comme à Egly, les sommes pouvant ainsi aller de 17 500 à 500 francs selon les cas. Le reste vient donc de la participation communale, soit sous la forme d'une subvention municipale, soit par la réalisation d'un emprunt auprès du Crédit Foncier de France, de la Caisse des Dépôts ou bien encore de la Caisse Nationale des Retraites pour la Vieillesse.
Les coûts d'érection sont restés assez raisonnables : moins de 1.000 francs pour les plaques, et en général, moins de 10.000 francs pour les monuments les plus classiques sous forme d'obélisque.
Reste pour conclure à évoquer la typologie de nos monuments essonniens de façon statistique. C'est de toute évidence, sans doute parce que classique ou moins onéreux, l'obélisque sur piédestal qui remporte la palme avec près de 58 % des monuments. Elle peut être surmontée d'un coq, d'un casque de poilu, d'une croix, mais surtout recouverte de palmes, de couronnes de lauriers, de croix de guerre...rendant parfois la lisibilité difficile.
Sculpteur : Emile Guillaume, auteur de la Délivrance
Description : piédestal avec un soldat couché blessé
Prix : 19 350 francs
Inauguration : 19 juin 1921
Ris-Orangis
Description : Victoire ailée, casquée, drapeau, palme
Sculpteur : Vérez Georges
Erection : 1921
Etampes
Description :
Colonne surmontée par une victoire ailée aux seins nus, volant au-dessus d'un poilu blessé près d'un canon.
Un bas relief se trouve à la base de la colonne, 2 lions encadrent le monument.
Sculpteur : BENNETEAU, Félix (1879-1963)
MATERIAUX (des sculptures) : bronze et calcaire.
COÛT GLOBAL : 85.000 F.
Inauguration : 7 Décembre 1924
Longjumeau
Description :
Femme avec bouquet de fleurs
Casque au sommet
Feuille(s) de Laurier et Feuille(s) de Chêne
Sculpteur : Alfred Combescot
Inauguration : 11 Juin 1922
La Ferté-Alais
Description : lion sur piédestal
Matériaux : calcaire
Sculpteur : Maximilien Fiot
Prix : 18 500 Fr
Inauguration : 28 Septembre 1930
Texte
Plus tardif est le marché des monuments aux morts proprement-dits. C’est tout un « arsenal du prêt-à-poser », pour reprendre la formule employée par Jean-Claude Gilquin, que les entreprises de monuments funèbres déclinent au fil de leurs catalogues.
On peut y voir les formes les plus simples tels que l’obélisque ou la pyramide juchée sur un piédestal, agrémentée à l’envie d’une croix de guerre, d’un coq ou d’un chapiteau. Mais ces monuments ne sont pas les seuls représentants de l’art de série. Sur les pages des prospectus s’étalent également les lignes effilées de statues et d’allégories en tout genre. Plusieurs catégories de sculptures peuvent être identifiées.
Il s’agit en premier lieu des poilus, déclinés dans une multitude de postures du repos à l’assaut, et des allégories de la Patrie, de la Victoire, de la France ou de la République. Les civils – veuves et orphelins le plus souvent – et les emblèmes, patriotiques, funéraires ou religieux, figurent également en bonne place dans les catalogues des marbreries. La grande diversité des symboles proposés permet l’élaboration d’un monument original, sinon individualisé. La multitude des signes, leur contradiction et leur juxtaposition font ainsi de chaque édifice un exemplaire quasi-unique qui se différencie de celui du village voisin que l’on croirait pourtant identique.
Les municipalités disposent de budgets limités et n’ont pas les moyens de faire appel à des artistes et à des sculpteurs. Certaines d’entre elles se tournent donc vers des fournisseurs spécialisés. Ce « marché de la mort », comme l’appelle Jean-Claude Gilquin, est monopolisé par quelques grandes enseignes à l’instar des fonderies Durenne, de celles du Val d’Osne – pour lesquelles travail le sculpteur Charles-Henri Pourquet –, des établissements Jacomet (Vaucluse), des Marbreries Générales de Paris ou encore de l’entreprise Rombaux-Roland de Jeumont, dans le nord. La concurrence est féroce.
Tous les moyens sont bons pour parvenir à conquérir un marché aussi vaste que florissant. A grand coup de publicité, de correspondances spécialisées, de catalogues adressés aux communes et aux particuliers, ces entreprises proposent un panel particulièrement diversifié d’édifices commémoratifs. Il y en a pour toutes les bourses. On vante des prix toujours plus bas, des méthodes de fabrication à la pointe de la technologie et l’exclusivité des modèles proposés.
Le marché
Sculpteur Mercadot :
« Ooooh … l’âge d’or mon cher ami… l’âge d’or… Jamais vu ça depuis les grecs, depuis les cathédrales, même ceux qui ont une main de merde ont de la commande. Vous vous rendez compte. Un monument par village, on ne fournit pas. 35000 communes… pas 300 sculpteurs. Tout le monde veut son poilu, sa veuve, sa pyramide, ses marbres. La ronde-bosse, le bas-relief, la lettre… alors là, tout ça ronfle comme une usine. Mieux que la renaissance mon cher, la résurrection. »
« Grace à nos morts. Merci à eux. »
Vialatte Alexandre, Battling-le-Ténébreux, Paris, Gallimard, 1928 (réed. 1982) :
Aux allégories dont le sens échappe parfois à l’attention, la population préfère de beaucoup les statues de poilu nettement plus explicites et parlantes :
« Il y a encore plus de communes qu’on ne pense qui n’ont pas leur monument aux morts. Ce n’est pas qu’elles ne soient pas riches ; les fonds seraient tout prêts pour payer. Mais on n’a pas compris ce qu’il leur faut. On leur propose la France avec des ailes, la Victoire avec des nichons pointus, des pyramides de casques, des faisceaux de baïonnettes et des tas de choses allégoriques qui ne leur ont jamais rien dit […] bref, "le grandiose". Y s’en foutent. Y veulent du poilu. Alors, voilà, je leur fais des poilus en série ; suivant les villages, je change le numéro d’écusson ; ça a une grosse importance, j’ose même dire que c’est ma supériorité sur la concurrence ; je leur colle le numéro du régiment dans lequel ils ont servi presque tous ; ils ne voient plus que ça dans la statue […]. Tu fignoles les molletières, les boutons, le sac, la grenade, le casque ; servez chaud. C’est du pain vendu. Ils se reconnaissent : "ça, c’est nous ; c’est comme ça que nous étions." »
Nombre de monuments commandés par année. 176 au total.
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