Photographies du capitaine namurois Lucien Duchêne
Mots-clés :
Belgique, Ypres, Dixmude, Decauville,
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Les photographies, quoiqu’inédites, ne dérogent en rien aux canons du genre.
L’aspect « souvenir » n’est pas absent, avec des images posées des camarades de combat, des subalternes ou des officiers supérieurs. Bien naturellement, elles privilégient les instants de repos : vues des cantonnements, visite du facteur, loisirs, jeux et activités sportives. Néanmoins, le capitaine Duchêne a aussi tenté de saisir l’action : plusieurs images, floutées par le mouvement, saisissent des explosions d’obus. On devine un souci documentaire, avec des photographies des manœuvres – notamment des images saisissantes des dunes de La Panne enneigées – des travaux de terrassement, du soin des blessés, des funérailles aussi.
L’armement est souvent photographié, tel le canon de 9 pouces, ou le plus classique canon de 37, formé d’un tube monté sur une glissière ; ce canon français de marine a été employé dès l’automne 1914 comme pièce de tranchée, idéal par sa précision pour accompagner l’infanterie. Le mortier belge Van Deuren figure plusieurs fois dans l’album, sans doute parce qu’il s’agissait d’une nouveauté ; mise au point en 1915 par l’officier belge Van Deuren, cette arme à angle de tir fixe et mise à feu électrique a été aussi utilisée par l’armée française.
Plusieurs images montrent le « Decauville » (sic), en arrière de la digue à Dixmude. Les voies de chemin de fer à écartement de 40 et 60 cm sont couramment nommées « voies Decauville » ; normalement attachées aux forteresses, elles apparaissent au front pendant le conflit pour le service de l’artillerie. Quelques autres photographies, assez floues, évoquent dans la même zone des « tanks à pétrole ». Il ne s’agit nullement, comme on pourrait le croire, des premiers blindés, mais de véritables réservoirs situés sur la rive gauche de l’Yser et fort disputés comme poste d’observation et de tir idéalement situé à l’extrémité nord de la position belge. Leur maîtrise a donné lieu au printemps 1915 à de violents combats, et la tranchée creusée dans la digue de l’Yser pour en approcher a été justement baptisée « boyau de la mort ».
Dernière curiosité : la manœuvre d’un ballon captif près de Dixmude. Ces ballons d’observation, sentinelles immobiles, où se postait un héroïque aérostier relié au sol par téléphone, ont apporté une contribution importante aux opérations militaires. Le ballon photographié par le capitaine Duchêne peut être aisément identifié comme un de type H. Il se compose de panneaux en étoffe assemblés par couture et recouverts d’un filet et supporte une nacelle en osier. Construit dès le mois d’octobre 1914 à Meudon par le capitaine français Lenoir sur base de photographies du « Drachen » allemand, il renferme 830 m3 d’hydrogène.
Marc RONVAUX
Le contexte
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler brièvement le contexte des combats évoqués par l’album de Lucien Duchêne.
Le 13 octobre 1914, l’armée belge en retraite prit position sur l’Yser. L’aile gauche, à Nieuport, était soutenue par l’artillerie de marine anglaise. À partir du fort de La Knocke, la ligne quittait l’Yser et suivait son petit affluent l’Yperlée, canalisée jusqu’à Boesinghe, jusqu’à la position française près d’Ypres. Au centre de la défense se trouvait Dixmude. Il s’agit d’une région de prairies, coupée de canaux et de digues. Les tranchées, vite remplies d’une eau vaseuse, ne pouvaient être profondes et étaient donc surélevées par des sacs de sable.
Près de céder après deux semaines d’assauts violents et la perte de 16.000 hommes, les Belges ouvrirent les écluses de Nieuport le 28 octobre, transformant la vallée de l’Yser en lac de boue. Une tentative de percée allemande dans le secteur d’Ypres fut ensuite arrêtée par les troupes britanniques, ce qui mit fin à la guerre de mouvements et inaugura celle des tranchées. Selon l’expression consacrée, l’armée belge « monta la garde sur l’Yser », préservant une petite parcelle du territoire belge et une cinquantaine de localités.
Marc RONVAUX
Les tranchées
La vie quotidienne au front
Les combats
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L'armement
Source :
Cahiers de Sambre et Meuse, 1/2014