Decauville, le chemin de fer à voie de 0,60 m
Mots-clés :
Decauville, Prosper Péchot, voie de 0,60, locomotive Péchot-Bourdon, Évry-Petit Bourg, Corbeil,
Lire les articles :
Les chemins de fer pendant la Grande Guerre
Les trains sanitaires pendant la Grande Guerre
Les petits trains de la Grande Guerre, Tacot des Lacs
Paul Decauvile, 1846-1922
Paul Decauville est un ingénieur, industriel et homme politique français, né le 7 juin 1846 à Évry-Petit-Bourg, aujourd'hui Évry (Essonne), et décédé le 29 juin 1922 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Il fut également maire d'Évry-Petit Bourg et sénateur de Seine-et-Oise.
Il est l'inventeur d'un système de voie ferrée portatif de 60 cm de large qui porte son nom et lui valut une médaille d'or à l'Exposition universelle de 1878. Par extension, le nom Decauville est associé aux chemins de fer à voie étroite, grâce à la très grande habileté en affaires de son promoteur.
Les usines de Petit-Bourg, qu'il fonde en 1875 aux portes de Corbeil et emploieront environ mille ouvriers, le conduise à renoncer à l'agriculture familiale.
Usine modèle pour l'époque, elle comporte de plus une cinquantaine de maisons d'ouvriers, des cantines, des dortoirs, un théâtre, une société coopérative de produits alimentaires, une compagnie de pompiers, une fanfare, une pharmacie, un médecin et une infirmerie.
Le nom de Paul Decauville est également associé aux communes de Corbeil-Essonnes et d'Évry, sur lesquelles il érige des usines qu'il dirige jusqu'en 1885.
LA VOIE DE 0,60 m ET LA GUERRE DE 1914 - 1918.
Dès la fin du XIXème siècle l’armée française se prépare à reconquérir militairement l’Alsace et la Lorraine annexées par l’Allemagne après la défaite française de 1871. L’artillerie française demande au lieutenant-colonel Prosper Péchot d’étudier un moyen de transport pour acheminer au plus près des champs de bataille les pièces d’artillerie (essentiellement les canons de 75) et les munitions.
La voie Decauville de 0,60 m s’imposera et, à partir de 1888, Péchot et l’ingénieur Bourdon de la société Decauville mettront au point du matériel spécifique pour l’armée, tant pour les wagons que pour les locomotives. Parmi celles-ci, une curieuse locomotive à deux chaudières encadrant un foyer sera développée et construite à plusieurs centaines d’exemplaires ; cette machine est connue sous le nom de locomotive Péchot-Bourdon.
https://garystockbridge617.getarchive.net/topics/pechot+bourdon+locomotives
Wagonnet Decauville sur voie étroite de 60 cm dans une carrière de pierre
Lire le document :
http://voiede60.free.fr/html/main.html
Publicité pour le chemin de fer portatif à pose instantanée
Cet album d’aquarelles reproduit in extenso dans Historail est conservé à la bibliothèque du fonds cheminot du Comité central du groupe public ferroviaire. Il comprend neuf planches aquarellées qui mettent en scène une locomotive très spécifique « la Péchot ». Il s’agit d’une locomotive plus légère qui circule sur des voies de 0,60 m, un écartement beaucoup plus réduit que celui de la voie ferrée normale (1,44 m).
Ce type de locomotive a été conçu par le colonel Prosper Péchot qui lui laissa son nom. La société Decauville, établie à Corbeil-Essonnes et spécialisée dans la construction de matériel ferroviaire, avait conçu des rails et des traverses métalliques pouvant se démonter et se transporter facilement. Les voies étroites d’une largeur de 60 cm permettaient de faire circuler plus aisément de lourdes charges.
Ainsi le système Decauville d’abord utilisé dans le cadre de la production sucrière fut perfectionné par le colonel Prosper Péchot et l’ingénieur Charles Bourdon pour s’adapter aux besoins militaires. Les essais près de Toul en 1888, furent déterminants. Fonctionnant telle une plate-forme d’artillerie, la locomotive Péchot permettait notamment de tracter de lourdes charges : des fusils, des munitions mais aussi des canons de 120 ou de 155, des wagons couverts, des wagons-citernes.
Très maniable, elle suivait facilement les courbes et pouvait traîner rapidement des wagons modulables sur des terrains accidentés situés près du front. Elle devint pendant la Première Guerre mondiale un outil stratégique essentiel.
Hier, nos campagnes de Pierre Guicheney
Usine de Corbeil
Voitures à l'essai dans la cour de l'usine de Corbeil
Atelier de construction de rails portatifs de 60 cm de large
Usine de Petit-Bourg, Evry
... ravitaillement du front. Dès novembre 1914, on lance les premières commandes massives de matériel. On décide également d’organiser les troupes destinées à établir et à exploiter les futurs réseaux et qui font cruellement défaut.
Péchot, sorti de sa retraite en août 1914, est chargé de mettre en place le « Centre d’instruction de la voie de 60 » à
Boissy-Saint-Léger et Jouy-en-Josas. L’encadrement technique y est assuré par un détachement appartenant à la 7e
Section de chemins de fer de campagne. Ce sont des cheminots de la Compagnie du Midi qui formeront des artilleurs appartenant à la réserve de l’Armée Territoriale, des hommes âgés de 40 à 49 ans et destinés à des tâches non-combattantes. Ils reçoivent une formation théorique à l’école, et pratique en participant à l’établissement et à l’exploitation du réseau du camp retranché de Paris. Les cours débutent en février 1915 et il est prévu de pouvoir former en même temps quatre batteries territoriales soit 1200 hommes environ.
LES PRÉMISSES DU RÉSEAU DE CHAMPAGNE
Sur le front, les premières offensives s’organisent, en particulier en Champagne où la IVe Armée attaque dès décembre 1914. Le rôle prépondérant pris par l’Artillerie nécessite des lignes d’approvisionnement solides depuis les gares situées sur les lignes 5 et 5 bis de la Compagnie de l’Est entre Suippes et SainteMenehould. Dès février 1915, Joffre décide d’équiper la IVe Armée en voie de 60. Il obtient la réquisition d’une cinquantaine de kilomètres de voie et fait expédier à Suippes et Mourmelon les vingt 030 T Baldwin saddle tank livrées au camp retranché de Paris en 1914.
La mobilisation du personnel s’avère beaucoup plus problématique. Les premières promotions du centre d’instruction n’ont pas encore été formées. On décide de prélever les unités ayant participé à la construction des voies du camp retranché de Paris. La 10e Batterie territoriale du 12e R.A.C. et la 1e Batterie Territoriale du 10e R.A.P. sont désignées pour cette mission. Péchot émet beaucoup de réserves quant à ce choix. En effet, si, six mois plus tôt, ces deux unités ont effectivement réalisé des travaux de voie, les hommes qui les constituaient à l’époque ont été mutés entretemps et remplacés par d’autres totalement inexpérimentés. Ce sont ceux-là qui sont envoyés en Champagne pour démarrer les travaux de voie de 60. D’autres batteries, tout aussi peu aguerries, les suivent.
Le problème est encore plus criant pour le personnel technique. L’Artillerie ne dispose d’aucun mécanicien ni d’aucun chauffeur formé à la conduite de machines à vapeur. Les seize premières équipes sont prélevées sur le personnel du centre d’instruction appartenant à la 7e Section de Chemins de Fer de Campagne.
Tant bien que mal, cette troupe hétéroclite et mal préparée parvient tout de même à établir un embryon de réseau sur les arrières de la IVe Armée. L’offensive prend fin courant mars 1915. Si elle n’est pas décisive, elle montre tout de même que des gains territoriaux, voire une percée du front sont possibles pour peu que les moyens en hommes et en matériel soient mobilisés. C’est en partie ce qui motive Joffre lors de l’élaboration d’une seconde offensive.
Exploiter une voie de 60 au milieu des troupes n’est pas une mince affaire.
Un dépôt en cours d’installation.
Le premier rôle de la voie de 60 est le transport des munitions d’artillerie.
Une autre fonction critique la voie de 60 est le transport de l’eau potable.
Lire le document :
1915, les débuts de la voie de 60 au front de Champagne
Soissons (Aisne)
Le 11e régiment d’artillerie construisant une voie de 60.
1917, Fernand Cuville
Winnezeele (Nord).Soldats anglais construisant une voie ferrée.
Croisement de deux voies, ici posées sur des traverses en bois.
2 juin 1918, Lorée
Bataille des Flandres.
Munitions acheminées vers le front récemment pris aux Allemands. 29 août 1917,
GQG anglais, photographe inconnu
Marcelcave (Somme), Gare des Buttes.
Chargement d’obus de gros calibre sur une plateforme Decauville.
Juin 1916, Emmanuel Mas
Près de Dannemarie (Haut-Rhin), en Alsace.
Canon de 240 mm sur affût. Manœuvre de transport.
Saint-Dizier (Haute-Marne), exploitation forestière.
Une locomotive Orenstein et Koppel 020T tracte un chargement de grumes.
Région de Suippes (Marne). Wagon citerne « station des abeilles ».
Il s’agit d’une citerne prismatique Modèle 1888 (7 m3).
23 novembre 1916, Pierre Pansier
Culbute d’un wagonnet chargé de pierres.
Lire les documents :
Les petits trains de la Grande Guerre 1
Les petits trains de la Grande Guerre 2
En 1889 était constituée au capital de 20 millions de F.la Société Anonyme "Etablissements DECAUVILLE Ainé".
L'usine couvrait alors plusieurs hectares et occupait un millier d'ouvriers ; on y comptait 580 machines-outils ; le tonnage atteignait une moyenne journalière de 120T.
Une douzaine d'années avait suffi pour assurer le succès du matériel DECAUVILLE en France, dans les colonies et partout à l'étranger, dans les contrées les plus reculées.
La voie de 0,60m.avait été adoptée officiellement par l' armée française, un réseau de plus de 600km, desservait les forts de l'Est, des fournitures importantes avaient été faites à de nombreux gouvernements étrangers.
Paul DECAUVILLE avait une politique commerciale hardie et utilisait toutes les ressources de la publicité ; ses catalogues étaient édités en Anglais, en Espagnol et en Italien.
Il n'y avait pas eu une exposition ou un concours sur un point quelconque du globe où son matériel n'y avait figuré avec honneur, aux Etats-Unis, en Australie, jusqu'au Japon.
L'Exposition Universelle de Paris en 1889, consacra sa renommée. Elle lui donna l'occasion d'installer un petit chemin de fer qui, Place de la Concorde à la Tour Eiffel, transporta en 6 mois, sans aucun incident, 6 342 445 visiteurs.
Cela constitua une démonstration éclatante de son matériel pour le service des voyageurs et entraîna la reconnaissance officielle de l'établissement du chemin de fer à voie de 0,60m, sur les dépendances du domaine public.
Pourtant Paul DECAUVILLE eut à subir de vives attaques avant d'en reconnaître la supériorité dans tous les cas où l' établissement d'une voie plus large n'était pas justifiée.
Lire le document :