En Argonne, en 1915
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Vauquois, village perché en Argonne
Mathurin Méheut 1882 - 1958, peintre des tranchées.
Mathurin Méheut au Bois de la Gruerie, 1915
L'Argonne a été au centre des combats de la Grande Guerre. Situé à cheval sur la Meuse, la Marne et les Ardennes, ce massif a subi l'écho des batailles de la Marne et de Verdun, a connu lui-même des combats très rudes et a servi de base arrière pour de nombreux soldats.
En Argonne, certains lieux sont aujourd'hui tristement célèbres : la Vaux-Marie, la Butte de Vauquois, la Haute-Chevauchée...
Dominant toute la région à l'Est de l'Argonne, la butte de Vauquois fut considérée par les Etats-Majors des deux camps comme un observatoire exceptionnel et un verrou stratégique.
Dès le 24 septembre 1914, les Allemands occupent cette colline et en font une véritable forteresse. Le 4 mars 1915, après plusieurs offensives, les Français reprennent pied sur la butte. La guerre de position commence. Les soldats s'enterrent et creusent des kilomètres de galeries et de rameaux de combats afin de s'infiltrer dans le réseau ennemi et de lui causer le plus de pertes possibles à coups de tonnes d'explosifs.
La Butte de Vauquois devient ainsi une véritable termitière, composée d'aménagements souterrains s'étageant sur plusieurs niveaux (plus de 17 km. de puits, galeries et rameaux).
Le Bois de la Gruerie
Le bois de la Gruerie se situe à la bordure occidentale de la forêt d’Argonne, sur le territoire du département de la Marne. Il tient son nom d’un droit royal, la gruerie ou grurie, par lequel le souverain percevait une partie des coupes de bois. De septembre 1914 à l’automne 1918, le bois se trouve sur la ligne de front et est l’objet de combats acharnés.
En août 1915, le 136e R.I., dans les rangs duquel on compte l’artiste-peintre Mathurin Méheut, y tint garnison.
En août 1915, le 136e R.I. relève un régiment colonial au bois de la Gruerie. Le sous-lieutenant Méheut y séjourne en première ligne et prend rapidement conscience du caractère acharné des combats :
« Les attaques boches succèdent aux attaques des nôtres – grenades toujours, toujours, et dans le bois quel vacarme. C’est vraiment pour qui ne connaît pas l’artillerie quelque chose d’effrayant. Ne t’effraie pas, belle, je serai prudent tout en remplissant mon devoir de soldat, de Français. Quelles luttes pour un coin de bois, tu n’as pas idée. Les tranchées changent continuellement, quelquefois même plusieurs fois par jour de propriétaire […] pan ! les fascines sur lesquelles j’écris me tombe sur la figure et tachent le papier, j’aime mieux cela qu’une marmite. »
Son séjour en Argonne s’étend jusqu’à mai 1916 et il prend le temps de peintre certaines de ses plus belles œuvres.
Dessins de Mathurin Méheut
A la fin août 1914, la guerre de mouvement règne sur l’ensemble du front occidental et elle est favorable aux armées allemandes qui progressent partout. A l’est de Verdun, les IV. et V. Armeen allemandes débordent largement l’aile gauche de la 3e armée française. Même si elle n’est pas occupée, la forêt d’Argonne se trouve alors dans l’arrière front allemand. Néanmoins, en septembre 1914, le sort des armes s’inverse avec la bataille de la Marne et les troupes du Kaiser battent en retraite.
La nouvelle ligne de front qui se cristallise passe par la zone difficile d’accès de l’Argonne. Elle marque également la zone de contact entre la IV. et la V. Armeen. Le 24 septembre, les premiers coups de feu sont échangés dans le bois de la Gruerie lorsque des Landser tentent d’y pénétrer pour couvrir l’aile gauche de l’Armée du duc de Wurtemberg.
Le 29 septembre, une importante décision intervient dans le camp allemand. Le général von Mudra, avec le XVI. Armeekorps et la 27 I.D., détachée de la IV. Armée, reçoit pour mission de s’emparer du massif forestier d’Argonne.
A partir d’octobre, les Allemands prennent la route de Varennes pour objectif et lancent des assauts meurtriers dans le bois de la Gruerie par lequel passe les lignes françaises. Une violente offensive allemande se déclenche dans le bois, le 29 janvier 1915, à 6 heures 30. Les fantassins de la 27. I.D., parmi lesquels on compte un certain Oberleutnant Rommel, heurtent les Poilus de la 40e D.I., particulièrement surpris par la brièveté de la préparation d’artillerie.
Les Allemands déplorent plus de 400 tués et les Français 3.000 hommes hors de combat en deux jours. Le bois gagne un nouveau nom : « Bois de la Tuerie ». Une nouvelle tentative allemande d’importance intervient, le 13 juillet 1915. Dans la perspective de l’attaque, la 86. Infanterie Brigade reçoit l’appui de plusieurs lance-flammes. Les hommes de la 42e D.I. encaissent le choc et tiennent bon. Le lendemain, les soldats français franchissent les parapets pour passer à la contre attaque, en vain.
Bois de la Gruerie, les pommiers, 27 septembre 1915 - Coll. Part.
http://www.college-madamedesevigne-mauron.ac-rennes.fr/spip.php?article994
Les poilus de l'Argonne
Départ pour le front
Dans la tranchée
Charge à la baïonnette
Réconfort après l'attaque
Poèsies
Fleurs d'Argonne
Un jour en février, dans la forêt d’Argonne,
Je vis d’étranges fleurs, au bord de mon chemin.
Je vous les envoyai, dans le secret dessein
De rappeler l’amour que mon cœur emprisonne.
Vous m’avez répondu par d’autres fleurs, mignonne,
Et vous vous étonniez qu’en ce pays lorrain,
Puisse éclore une fleur, puisque chaque matin,
Il gèle, il neige et que de froid l’arbre frissonne.
Pourquoi la fleur d’Argonne, au cours de cet hiver,
A-t-elle devancé cette fleur, qu’hier
Je recevais, chère âme, et qui venait de Nice ?
L’une, de nos héros, buvait le sang vermeil
Pour rajeunir sa tige et gorger son calice,
Et l’autre, pour fleurir, n’avait que le soleil.
Maurice BOIGEY
Source : BDIC – Rigolboche n°10 – 15 Mai 1915
A l’Argonne
Au cadran de l’histoire a sonné de nouveau,
Pour l’antique forêt où grondent les ruisseaux,
Les heures héroïques des sanglantes batailles,
Où luttent nos soldats, méprisant la mitraille,
Frôlant cent fois la mort et mourant en héros…
Rocs plus durs que l’airain, refuges des blaireaux,
Chênes au front géant, se riant de l’orage,
Et vous, frêles bouleaux, au frissonnant feuillage,
Hêtres droits et trapus, orgueil de nos taillis,
Solitaires tilleuls au mielleux friselis,
Le moment est venu de venger les injures
D’un peuple sans honneur, d’un peuple de parjures :
Un souffle de victoire agite les lauriers
Qu’a tressé pour nos fils l’ombre de Dumouriez.
Troyes le 16 janvier 1915
George LIONNAIS
Pur joyau de l’Argonne, auprès de la forêt
Où tonne le canon, où fauche sans arrêt,
En ces jours d’héroïsme et de fières revanches,
La hideuse Camarde à l’affût dans les branches !
Très enchanteur beauvoir du pays Clermontois,
Où l’on entend parler cet antique patois,
Tel qu’au temps des Condés le chantonnaient nos pères
Eux qui forçaient aussi les loups dans leurs repaires ! ;
Joli bourg accueillant, aimé des citadins
Fuyant la vie intense et les plaisirs mondains
Pour venir, chaque année, emmy la solitude,
Vivre des jours heureux de douce quiétude.
Tu n’es plus aujourd’hui, sur le flanc du coteau
Que couronne fièrement Sainte-Anne et son plateau,
Tu n’es plus qu’un monceau de ruines fantastiques
Qui te font ressembler à ces pays antiques,
Qu’un affreux cataclysme a détruit sans retour
Transformant en désert le plus coquet séjour ;
Les Huns ont passé là !…De leurs mains de barbares,
Ils ont, sans un remords et au son des fanfares,
Allumé l’incendie aux quatre coins du bourg !
Grisés de cet endroit, repoussant tout secours,
Les sinistres bandits, à la lueur des flammes,
Pareils à des démons, hurlaient des cris infâmes !
La « kultur » allemande a posé là son sceau,
Mêlant ce nouveau crime à l’écrasant faisceau
Dont le lourd châtiment, déjà se fait entendre…
Tel le Phénix, Clermont renaîtra de ses cendres !
Georges LIONNAIS
Troyes, le 20 janvier 1915
Ce sont les poilus de l’Argonne,
De Bagatelle, de Vauquois,
Aimant le canon quand il tonne,
Ce sont les poilus de l’Argonne,
Que tien n’émeut, que rien n’étonne !
Pas un d’entr’eux aux yeux n’a froid.
Ce sont les poilus de l’Argonne.
Quand à l’assaut le clairon sonne,
Au fusil se crispèrent leurs doigts.
Le vœu de vaincre les talonne,
Quand à l’assaut le clairon sonne ;
Sur le terrain, leur pas résonne,
Souple et nerveux tout à la fois !
Quand à l’assaut le clairon sonne,
Au fusil se crispèrent leurs doigts !
Irrésistible est leur colonne,
Les Allemands sont aux abois ;
Hardi les gars ! L’affaire est bonne !
Irrésistible est leur colonne !
Sans marchander, elle se donne,
De six, il n’en reste que trois…
Irrésistible est leur colonne,
Les Allemands sont aux abois !
Ce sont les poilus de l’Argonne,
Qui font risette à tout minois,
A tout corsage qui ballonne !
Ce sont les poilus de l’Argonne !
Vienne à passer une luronne,
Le loup l’attend au coin du bois !
Ce sont les poilus de l’Argonne,
Qui font risette à tout minois
Un poilu de l’Artois
Source : AD Meuse – Le Bulletin Meusien du 16 septembre 1915
Une grande volée d’insouciants moineaux
Est venue se poser en dépit de la guerre
En un coin trop fameux où règnent les fléaux
Déchaînés par les boches en un beau coin de terre.
Ils savaient bien, pourtant, les pauvres oiselets
Que les grands vents d’Argonne emportent la mitraille,
Que les maisons meurtries où pendant les volets
Sont vides d’habitants qui couchent sur la paille.
Et cependant, joyeux, ils sont demeurés là,
Chantant des ritournelles au sortir des tranchées,
Réconfortant un peu les poilus qui sont las
Bref, ces petits oiseaux nous avaient enchantés.
Mais, il suffit hélas, d’un criminel obus
Pour que ceux qui avaient soulagé nos souffrances
Soient pleurés de nous tous, pourtant rudes poilus
Et ne puissent avec nous chanter la délivrance.
Souvenir d’Argonne (1915)
René Martin
Source : Le Bulletin Meusien du 10 novembre 1916
Ce sont les Poilus de l’Argonne
De Bolante et des Meurissons
Souriants, quand le canon tonne
Ce sont les Poilus de l’Argonne
Qui savent se battre en chansons.
Ce sont les Poilus de l’Argone
Quand à l’assaut nous les lançons
Le « Boche » sait que l’heure sonne ;
Leur courage fameux lui donne
A l’avance le grand frisson ;
Le canon scande de ses sons
Les refrains que leur cœur entonne ;
Ce sont les Poilus de l’Argonne
Qui savent se battre en chansons.
Ce sont les Poilus de l’Argonne
De Bolante et des Meurissons.
Les airs de moderne Gorgone
Que leur Kaiser en vain se donne
Touchent leur cœur moins qu’un glaçon
Ils en feraient plusieurs tronçons
D’un simple coup de leur dragonne.
Ce sont les Poilus de l’Argonne
Qui savent se battre en chansons.
Ce sont les Poilus de l’Argonne
De Bolante et des Meurissons
Souriants quand le canon tonne
Ce sont les Poilus de l’Argonne
Qui savent se battre en chansons
HERKA, du 7ème d’Infanterie
Source : Rigolboche n°26 (Février 1915) – BDIC
Dans la forêt d'Argonne
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https://www.wdl.org/fr/item/20045/
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