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Grande Guerre : territoriaux bretons et normands du 87 DIT
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3 mars 2017

Mathurin Méheut, 1914–1918, des ennemis si proches

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Mathurin Méheut, des ennemis si proches,

Lire les articles :

Mathurin Méheut (1882-1958), peintre des tranchées.

Les croquis de guerre de Mathurin Méheut

Frans Masereel : Debout les morts, Résurrection infernale, 1917

Trityque de Elmar VON ESCHWEGE (1856-1935)

Meheut 14-18

Pour beaucoup d’entre nous le nom du peintre Mathurin Méheut évoque peu. Le talent de l’artiste n’est pas remis en cause, bien au contraire, mais les choix de carrière de celui-ci feront que le travail de peinture passera au fil du temps après celui de décorateur, d’illustrateur et de céramiste. A l’initiative de la famille de Méheut voit pourtant le jour un ouvrage singulier, Mathurin Méheut, 1914 – 1918, des ennemis si proches (Editions Ouest-France) qui reprend des lettres illustrées composant la correspondance entretenue avec sa famille durant la première guerre mondiale.

Mathurin Méheut, pour reposer le contexte, après des études brillantes aux Beaux-Arts de Rennes, suit un cursus à l’Ecole nationale des arts décoratifs et se destine à une carrière de peintre et d’illustrateur. En 1913 il décroche une bourse très prisée de la part de la fondation Albert Kahn qui lui permet de se rendre avec sa femme en Asie et notamment au Japon.

Lorsque la première guerre mondiale éclate en Europe Mathurin Méheut se trouve donc loin de France. Il répond pourtant à l’ordre de mobilisation. Fantassin dans les tranchées, il se fait remarquer par ses travaux au dessin qui lui permettent d’intégrer le service topographique au sein duquel il finira lieutenant. Si nombre d’artistes se trouvent coincés dans les tranchées creusées sur le front de l’ouest, peu livreront un témoignage comme celui du peintre de Lamballe. Et pourtant comme le précise François Robichon en préface de l’ouvrage :

Force est de constater que Méheut ne travaille pas pour la postérité – peut-on sérieusement songer à l’avenir au fond de la tranchée ? – mais pour survivre et surtout communiquer avec ses proches. L’instrument privilégié de cet exercice quasi quotidien, c’est le stylo Waterman qui permet sur une même feuille de cahier d’écolier ou de papier quadrillé d’associer dessin et texte, le premier donnant l’ambiance de la lettre.

Ces lettres illustrées donnent pourtant à voir la guerre comme si nous étions dans la tranchée, avec ses scènes du quotidien, le regard des hommes, celui sur les villes ou les campagnes détruites ou « abimées ». En cela la compilation des lettres offre un témoignage précieux sur la vie des soldats du rang, souvent sacrifiés sur le no man’s land lors d’attaques suicidaires. Pour autant le peintre ne donne pas à voir les scènes crues des combats. Pas de corps démembrés, pas de sang répandu sur la neige en hiver, ni de regards troubles de soldats perdus dans un conflit qui les dépasse. Ce choix, dicté par la nécessité de ne pas inquiéter sa famille bretonne, permet au peintre de se distinguer d’autres artistes de son temps – présents ou pas sur les champs de batailles – qui laissent libre cours à leur vision sombre des combats (Ossip Zadkine, William Orpen, Frans Masereel, Eric Kennington, George Grosz…). Méheut va même plus loin en peignant la vie au sein de la tranchée ou sur ses abords immédiats. Il donne une fantastique preuve de la richesse de la nature qui reprend parfois le dessus, la flore mais aussi la faune deviennent ainsi des sujets d’études. Preuve que l’on peut représenter la guerre autrement…

L’ouvrage d’Elisabeth et Patrick Jude donne à voir les principaux extraits des dessins, études, crayonnés, peintures réalisées au cours du conflit par Mathurin Méheut qui, il faut le noter traversera la guerre jusqu’à sa démobilisation. Comme son sous-titre l’indique (« des ennemis si proches »), les deux auteurs s’attachent à mettre en parallèle les travaux du peintre breton avec ceux de l’ennemi qui niche souvent à quelque mètres de là dans la tranchées d’en face.

On retrouve dans les représentations de Hans Von Hayek, Franz Klemmer, Oskar Graf, Otto Dix, Josef Lutzenberger, Ernst Vollbehr ou Albert Reich des scènes très proches, qui décrivent les mêmes terrains de guerre, les mêmes problématiques, les mêmes destructions de ville.

Ce travail de mise en relief de l’œuvre de Méheut comparée à la représentation d’autres artistes, qui plus est des artistes du camp ennemi, densifie la portée de son message. Un message qui devient dès lors universel et décloisonné des sillons creusés dans cette terre dont nombre d’hommes ne repartiront jamais…

Elisabeth et Patrick Jude – Mathurin Méheut, 1914 – 1918, des ennemis si proches.

Editions Ouest-France – 2014 – 25 euros.

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