La bataille du Mont-Renaud (26 mars - 30 avril 1918), le Verdun noyonnais.
Mots-clés :
Mont-Renaud, Noyon, Hindenburg, 57 RI, 132 RI, Oise,
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Ligne Hindenburg
La doyenne des cathédrales gothiques : Noyon
Le Mont-Renaud est une colline de 85 m d'altitude, dominant Noyon par le sud, la vallée de l'Oise par l'ouest et Passel par le nord.
Le Mont-Renaud, qui domine l´ensemble de la ville de Noyon et des alentours, servit de base de bombardement en 1918 et fut l´objet d´âpres combats.
L'édifice fut presque entièrement détruit en 1918 ; une partie du château et de la ferme sera reconstruite de 1914 à 1922 (dates portées sur le pavillon d'entrée de la ferme).
Ligne Hindenburg, 1918
Vue sur le Mont-Renaud, Passel au premier plan.
Récits
Publié le 15/04/2018 par Le Populaire de Limoges
« Un mur d’enceinte dessinait un parc et courait à mi-pente.
C’était ce fameux Mont-Renaud... » (Photo : BDIC/Collection Valois)
Malgré la nuit, l’assaut allemand ne faiblit pas. Dans les ruines de Noyon, les hommes du 57e RI luttent pied à pied. Ils battent en retraite mais en bon ordre. « Nous sommes partis par demi-sections, courbés sous la grêle des balles, raconte Georges Gaudy. Plusieurs sont tombés dans cette minute du départ. Nous avons croisé, dans l’avenue, à cent mètres du carrefour, des groupes rangés sous les porches, égaillés derrière les grilles des jardins, disposés de manière à croiser leurs feux (…) J’ai fort bien compris notre manœuvre. Le 57e se repliait par échelons ; sa mission était de contenir l’ennemi, de l’arrêter le plus longtemps possible. Ne pas s’engager à fond et sortir à temps du guêpier. »
En fait, l’action du 57e et notamment de son 2e bataillon, celui de Georges Gaudy, permet le repli des troupes sévèrement éprouvées par l’offensive allemande. Dans la nuit du 25 au 26 mars, le régiment s’échappe de Noyon et commence à prendre position sur une nouvelle ligne de défense. Le 1er bataillon _ du moins ce qu’il en reste puisque l’on est sans nouvelle de deux compagnies _ occupe le point d’appui du Mont-Renaud, le 2e bataillon occupe le village de Sempigny au sud-est du Mont, le troisième bataillon est en réserve à Passel, quelques centaines de mètres en arrière du Mont, sur la route de Paris. A la gauche du 57e, le 123e RI tente d’établir une ligne de défense entre le village de Larbroye et le Mont-Renaud.
Les pentes sud du Mont-Renaud. Au font, le village de Passel.
(Photo : BDIC/Collection Valois)
« Séparée de nous de sept à huit cents mètres, racontera Georges Gaudy, une butte, un mont, dominait la plaine comme un bastion. On apercevait sur la crête la blancheur d’une construction parmi de grands arbres : un mur d’enceinte dessinait un parc et courait à mi-pente. C’était ce fameux Mont-Renaud... »
Les états-majors français n’ont pas mis longtemps à comprendre. L’axe d’effort de l’offensive allemande est justement cette route de Noyon à Paris. Et l’un des derniers obstacles naturels, susceptible d’accueillir une position défensive acceptable, est justement le Mont-Renaud. Si les Allemands s’emparent du Mont et du château qui le couronne, ils s’ouvriront en grand la route de la capitale. Ils auront gagné la partie. Le 57e RI va avoir pour mission de tenir le Mont-Renaud coûte que coûte. Commence alors un mois de combats sauvages.
Dès le 26 mars, le Mont-Renaud subit une première attaque. Violente. A 11 heures, les Allemands réussissent à pénétrer dans le château, aux cris de « Franzosen, Kaput ! ». A 13 heures, ils en sont délogés par une violente contre-attaque de la 2e compagnie, renforcée d’éléments de la 9e. Pendant que les combats font rage sur le Mont, le bombardement allemand se fait de plus en plus violent. Un obus tombe sur un dépôt de munitions destinées aux troupes de première ligne. Malgré la pénurie qui s’annonce, un nouvel assaut allemand est repoussé en fin d’après-midi. La première journée de combat sur le Mont-Renaud coûte seize tués et quatre-vingt-seize blessés au 57e RI. Mais le Mont est toujours français.
Au sommet du Mont-Renaud, le château. La photo a été prise en 1917.
(Photo : BDIC/Collection Valois)
Au 2e bataillon, la situation est plus calme. Installés en lisière d’une forêt, les hommes tiennent la position couchés dans les fourrés, abrités derrière leur sac. Les tirs sporadiques de mitrailleuses et les quelques obus qui tombent ne troublent guère le calme des vieux soldats. Gaudy et son copain Febvre, caporal lui aussi, s’empiffrent de viande de lapin et de champagne maraudés dans le village proche.
Toujours tapi derrière son sac, pendant que les hommes du génie s’évertuent à creuser des positions plus défendables, Gaudy assiste aux combats qui se déroulent sur le Mont. « Une compagnie du 1er bataillon contre-attaquait avec l’intrépide lieutenant Marcelin. Cela se termina par une fusillade très chaude qui dura longtemps... »
Des soldats français en position au pied du Mont-Renaud.
(Photo : BDIC/Collection Valois)
Il raconte aussi l’explosion du dépôt de munition. « Le morceau de pain que je portais à ma bouche me tomba des mains. Une secousse énorme, un tonnerre fait de cent tonnerres venait de nous soulever. Une masse de fumée, compacte et noire, jaillissait au pied du Mont-Renaud, montait dans le ciel, haute de vingt mètres... »
La ligne de défense établie par les Français, avec le Mont-Renaud pour pivot, tient le coup. Le front se stabilise. L’avancée allemande est stoppée, au moins pour un temps. L’action va maintenant se concentrer sur le Mont-Renaud lui-même et sur le 57e RI. Georges Gaudy et ses camarades du 2e bataillon ne vont pas tarder à entrer dans la fournaise.
Un mois durant, entre mars et avril 1918, Français et Allemands s'affrontent autour de cette colline qui surplombe Noyon. La guerre y atteindra son paroxysme.
Presque un an après leur départ de Noyon, les troupes du Kaiser sont de retour. Ce 26 mars 1918, alors que l'aube se lève sur la cité de Calvin, les Allemands sont redevenus maîtres de la ville. Cinq jours plus tôt, dans la Somme, l'offensive Michael a fait voler en éclats le front britannique. Sur 80 km, le front est ouvert, et les troupes allemandes déferlent en direction d'Amiens, mais aussi vers le sud-ouest, vers l'Oise et Paris.
Expulsées de Noyon après de durs combats de rue, les troupes françaises vont s'arc-bouter sur la colline dite du Mont-Renaud, à la sortie sud de la ville, sur la route de Compiègne. Il s'agit d'une position clé. C'est même peut-être alors l'unique et dernier verrou avant Paris. Les ordres confiés au 57 e régiment d'infanterie sont sans équivoque. Tenir à tout prix. Celui qui contrôle cette terrible colline où un château existe alors contrôle Noyon. Le commandement français ne s'y trompe pas, et, fort de cet observatoire idéal, l'artillerie entreprend le pilonnage systématique de Noyon.
Après les Allemands qui avaient consciencieusement meurtri la ville lors de leur repli de mars 1917, c'est bien cette fois l'armée française, à coups d'obus de 180 mm et 300 mm qui va totalement la raser. Le 1 e r avril, la cathédrale est durement touchée. La guerre est devenue totale. Et sur les pentes du Mont-Renaud, entre le 26 mars et le 30 avril, elle va atteindre des sommets.
Gaz toxiques et lance-flammes
Les combattants et les armes de 1914 sont loin. Grenades, armes automatiques en tout genre, gaz toxiques, avions, et même lance-flammes, toute la panoplie des instruments de mort va être utilisée lors des combats. Quant aux hommes, loin des tenues éclatantes ou pittoresques du début de la guerre, ils se sont transformés en de surprenants insectes. Vêtus de couleurs neutres, casqués d'acier, équipés de masques à gaz, ils apparaissent déshumanisés. Lorsque la bataille s'achève, le dernier jour d'avril 1918, ce « Verdun noyonnais » donne le tournis.
A vingt-trois reprises, les Stosstruppen, les troupes d'assaut allemandes, se sont lancées à l'assaut de la colline. A chaque fois, repoussées. Le 57 e RI laissera 721 de ses 2 000 hommes sur les pentes du Mont-Renaud. Pire peut-être, l'ultime assaut du 30 avril, contré par le 123 e RI venu le relever, coûtera à ce régiment 369 hommes en une seule journée.
Le 57 RI
Le 57e RI laissera 721 de ses 2 000 hommes sur les pentes du Mont-Renaud.
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Photos avant guerre
Photos après guerre
Face au mont, troupes françaises en position le 29 août 1918.
Photos d'aujourd'hui
La butte
Restes de la chapelle
Le château reconstruit
La ferme