Alsace-Lorraine à la veille de le Grande Guerre
Mots-clés :
Alsace, Alsace-Lorraine allemande, constitution de l'Alsace-Lorraine 1911, détresse de 1870, frontière 1871, la revanche, le second reich, traité de Francfort, l'affaire de Saverne, dépêche d’Ems, Günther von Forstner, Sedan,
Lire les articles :
Entrée des troupes dans Colmar, 1918
Hansi : l'Alsace toujours française
L'Alsace reconquise
Rappel : la guerre de 1870-1871 :
• 19 juillet 1870 : La France déclare la guerre aux Etats allemands dominés par la Prusse.
Aux origines immédiates du conflit se trouve la candidature d’un Hohenzollern, cousin du roi de Prusse, au trône d’Espagne. Le 13 juillet 1870, après son entrevue avec l’ambassadeur de France, Benedetti, le roi de Prusse, Guillaume Ier envoie d’Ems une dépêche à Bismarck confirmant le désistement de son cousin. Bismarck déforme la nouvelle en cherchant à offenser la France.
Il publie la « Dépêche d’Ems » en faisant croire que le roi de Prusse avait refusé de voir l’ambassadeur de France. Cette ruse est un moyen d’exciter le nationalisme allemand et de lutter contre le particularisme des Etats du sud refusant de se placer sous commandement prussien sauf en cas de guerre.
• Août-septembre 1870 : occupation de l’essentiel des territoires alsacien et lorrain, malgré de nombreux combats : Wissembourg, Froeschwiller, Spicheren, Forbach, Freyming, Borny, Rezonville, Gravelotte et Saint-Privat, Noisseville.
• 2 septembre 1870 : capitulation de Napoléon III avec son armée à Sedan.
• 4 septembre 1870 : à Paris, proclamation de la République et formation d’un gouvernement de la Défense nationale qui poursuit la guerre.
• 27 septembre 1870 : Après cinquante jours de bombardement par l’artillerie, Strasbourg capitule.
Histoire de France et notions sommaires d'histoire, Albert Malet 1920
Le traité de Francfort, 10 Mai 1871
L’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédées au Reich (1,7 millions d’habitants ; 2,6% du territoire national) et deviennent une terre d’Empire (Reichsland), propriété commune de tous les Etats allemands de l’Empire.
L’article 2 du traité de Francfort spécifie que les Alsaciens Lorrains désirant conserver la nationalité française doivent s’installer en France avant le 1 Octobre 1872.
Le nombre exact de ceux qui émigrèrent est discuté (de l’ordre de 130 000 personnes). Certains ont opté pour la France, d’autres se sont installés en Algérie ou en Amérique.
Les émigrants sont surtout originaires de villes de plus de 4 000 habitants et appartiennent au milieu des ouvriers, des artisans et de la bourgeoisie. Cette émigration se poursuit sur toute la période et concerne notamment les jeunes gens avant leur seizième année pour éviter de servir dans l’armée allemande.
Ces départs sont compensés par une importante immigration allemande (1 million de personnes environ sur 40 années), traduisant une volonté de germanisation (volonté d’imposer la civilisation et le caractère allemands) du Reichsland qui s’appuie par ailleurs sur l’école et l’armée.
En effet, dès 1871, l’école primaire en langue allemande est obligatoire (sauf dans les régions francophones) et en 1872 le service militaire obligatoire dans l’armée allemande est introduit. Des dizaines de milliers de jeunes Alsaciens et Lorrains s’engagent alors dans la légion étrangère pour y échapper.
En 1875, 40.000 allemands ont immigrés en Alsace-Loraine.
A la fin du Reichsland, les Allemands représentent, en Alsace, un peu plus d’un habitant sur dix, tandis qu’en Lorraine annexée, où l’afflux est bien plus important, un habitant sur quatre est allemand.
Le Petit Journal, le 21 Juillet 1871
Lire le document :
Le Miroir, 6 avril 1919
Dessin de Zislin
Le Petit Journal, 31 août 1919
Tableau de Ernest Meissonier, Le Siège de Paris, peinture vers 1884
L'Alsace-Lorraine allemande
L’Alsace-Lorraine est divisée en trois districts (Bezirk) : la Haute Alsace avec comme chef-lieu Colmar, la Basse Alsace avec comme chef-lieu Strasbourg et la Lorraine avec comme chef-lieu Metz. A la tête de chaque district est nommé un président (Bezirkspräsident). Le gouvernement est confié à un ministère dont le siège est à Berlin. L’empereur délègue ses pouvoirs à un président supérieur Oberpräsident).
L’Alsace-Lorraine a donc un statut particulier. En effet, les autres Etats de l’Empire disposent d’un souverain et d’une constitution propres.
- 1er février 1874 : première élection de députés au Reichstag (Assemblée nationale) au suffrage universel masculin. Les quinze députés alsaciens-lorrains élus sont des « protestataires » qui renouvellent la protestation de 1871 au Reichstag.
- 29 octobre 1874 : le Reichsland Elsass-Lothringen obtient une Délégation régionale (Landesausschuss) qui est un embryon de parlement aux pouvoirs limités (elle n’a qu’un rôle consultatif).
- 1877 : Nouvelle élection au Reichstag. Cinq députés « autonomistes » sont élus à côté des députés protestataires.
- 1er octobre 1879 : le rôle du Landesausschuss est accru. Le président supérieur est remplacé par un Statthalter qui a à la fois les attributions du chef de l’Etat et celles du chancelier qu’il représente.
- 1893 : Nouvelle élection au Reichstag. Il n’y a plus qu’un seul député protestataire (deux socialistes, sept cléricaux (proches du Zentrum (centre catholique) et cinq « Ralliés » à l’annexion.
- 26 mai 1911 : Guillaume II octroie au Reichsland une Constitution. L’empereur reste représenté par le Statthalter mais le pouvoir législatif est dévolu à deux chambres : une chambre élue au suffrage universel masculin et une chambre haute dont les membres sont choisis par l’empereur et qui peut annuler les décisions de la première. Le Reichsland reste donc sous le contrôle étroit du Kaiser (l’empereur).
- 31 juillet 1914 : face à l’imminence de la guerre, l’Allemagne décrète l’état de danger de guerre (Kriegsgefahrzustand) qui suspend l’application de la Constitution de l’Alsace-Lorraine et instaure l’é tat de siège.Une dictature militaire est mise en place (un tel régime ne sera installé nulle part ailleurs en Allemagne), le Reichsland devient une zone d’opération militaire et un glacis militaire avec la construction de forteresses et de casernes.
La menace de guerre conduit l’Allemagne à décréter dès le 31 juillet 1914 l’état de danger de guerre. L’Alsace-Lorraine est dès lors soumise à un régime de dictature militaire. Les libertés sont supprimées, les réunions publiques sont interdites, les journaux sont censurés (les quotidiens francophones ou francophiles sont supprimés et remplacés par des organes pro-allemands). L’administration civile est soumise aux autorités militaires. La police peut arrêter n’importe qui sans justification. Près de 5 000 personnes suspectes de sympathie française sont arrêtées et déportées. Toute activité jugée anti-allemande (Deutschfeindlichkeit) est sévèrement réprimée.
De lourdes suspicions quant à la fiabilité de sa population pèsent donc sur l’Alsace-Lorraine à la veille de la guerre et mettent en cause l’octroi de la Constitution de 1911 destinée à faire évoluer le Reichsland vers une plus grande autonomie à l’image des autres Länder (régions) du Reich.
Les 2 cartes çi-dessus datent de 1919.
Lire le document :
Constitution de l'Alsace-Lorraine 1911
Il faudra se sacrifier sans merci et marcher sus les pantalons rouges.
L'affaire de Saverne, 1913
- Le lieutenant von Forstner à ses soldats: » Si l’un d’entre vous, pris à partie par un Wackes, ripostait en le transperçant de part en part je ne lui adresserais aucun reproche, mais encore je lui ferais cadeau de dix marks de ma poche ». Un autre était prêt à rajouter trois marks.
- Wackes = voyou, propres à rien ; appliqué à des soldats alsaciens.
- Manifestations à Saverne. L’armée intervient baïonnette au canon avec des mitrailleuses. Arrestations. Les journaux relatent l’affaire. Le ministre de la guerre soutient l’armée. Interpellation au Reichstag. Les hauts fonctionnaires alsaciens sont remplacés par des prussiens.
- Un incident ayant eu une grande portée symbolique. Mais il y en a eu d’autres.
Le 6 novembre 1913, deux articles de l’ « Elsässer » et du « Zaberner Anzeiger » rapportent que le jeune lieutenant du 99e régiment d’infanterie, Günther von Forstner, a traité les Alsaciens de voyous.
Cette affaire s’ébruite et est suivie de trois semaines d’émeutes et de provocations abondamment relatées par la presse européenne et entraînant une crise politique au sommet de l’Empire entre civils et militaires. Le 7 novembre, la population savernoise manifeste devant le domicile de von Fortsner. Le 9 novembre, la foule manifeste aux cris de « Vive la France », « Vive la République » et entonne la Marseillaise.
Le 28 novembre, des mitrailleuses sont disposées sur la place du château. Une trentaine de Savernois sont arrêtés. De fait, Saverne est en état de siège à l’indignation des autorités civiles. Pour calmer les esprits, le 99e régiment est déplacé à Bitche et von Forstner est jugé et condamné à 43 jours de prison pour avoir frappé un infirme à coups de sabre. Il est néanmoins absout en appel.
L’affaire de Saverne signe l’échec de quarante ans de politique de germanisation et annonce la reprise en main de l’Empire par les militaires.
L’affaire de Saverne vue par les caricaturistes. 1913.
Voir l'article, La France en 1913 :
http://87dit.canalblog.com/archives/2014/05/09/29834980.html
Avant-guerre : nostalgie de certains artistes.
Images idéalisées de l’Alsace, hostilité à la présence allemande (le gendarme, l’instituteur). Mobilisation des enfants.
- Henri Loux.
- Spindler.
- Hansi :
- L’Histoire de l’Alsace racontée aux petits enfants de France par l’oncle HANSI, (Noël 1912).
- Mon village.
« La dernière classe » de Daudet (1873).
« Le tour de France de deux enfants » de G. Bruno (1877).
La revanche côté français
Liens à visiter :
ftp://ftp.bnf.fr/Annexion Alsace-Loraine 1871-1914.pdf
ftp://ftp.bnf.fr/Alsace-Lorraine, terre de France.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/histoire Alsace.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/le temps du Reich.pdf
http://www.crdp-strasbourg.fr/'Alsace entre 1871 - 1914
http://www.memorial-alsace-moselle.com/f/fiches/version_illustree.pdf
http://archives.strasbourg.fr/Pdf/atelier/expovirtuellebelepoque.pdf
http://herald-dick-magazine.blogspot.fr/2014/10/heraldique-et-art-nouveau-vers-1900.html
L'Assiette au Beurre, la contrefacon allemande N°559 du 30 décembre 1911
Voir le document :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1049986p.item
Voir les liens :
http://gallica.bnf.fr/L'Alsace à travers les âges
http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/1GM_combats/alsace_avant_conflit.php?parent=61
Voir l'article sur la germanisation de l'Alsace :
http://87dit.canalblog.com/archives/2016/08/10/34173696.html
L'Alsace en1914
- Reichsland d’Alsace-Lorraine gouverné par le gouvernement de Berlin (impérial et prussien). Nationalité alsacienne-lorraine instaurée en 1911.
- 1 200 000 habitants dont 120 000 à 200 000 d’origine allemande (1/6 à 1/10) : fonctionnaires, militaires…
- Ralliement au régime d’une partie de la haute société, indifférence au régime politique de beaucoup de paysans et d’ouvriers qui s’accommodent des avantages du régime allemand.
- Subsistance d’un ancien attachement à la France. Quelques cercles entretiennent un souvenir actif.
- Service militaire obligatoire (2 ans) généralement à l’est de l’Elbe. Entre 10 à 20% en Alsace ou Lorraine.
- Nombreuses garnisons: 36 000 soldats en 1910. « Un glacis contre la France ».
- Souvenir de l’affaire de Saverne. « Wackes » = voyou
Août 1914.
- Dès fin juillet retraits d’or par des particuliers et de leur argent mais quantités vite limitées.
- Départ des francophiles les plus ardents : journalistes, dessinateurs et humoristes (Hansi et Zislin), d’activistes du Souvenir français, etc.
- Proclamation de l’état de danger de guerre (le 2) : l’autorité civile s’efface devant l’autorité militaire qui installe une dictature en Alsace-Lorraine.
- Etat de guerre décrété par le gouverneur militaire de Strasbourg.
Actions du pouvoir militaire.
- On ne tolère plus le particularisme alsacien-lorrain. Les militaires se font forts de parachever le travail de germanisation.
- Suspension des libertés individuelles, de la liberté de circulation (laisser-passer), de la justice ordinaire, du droit de réunion et d’association.
- Presse étroitement surveillée : journaux interdits, création d’une gazette progouvernementale.
- Internement ou surveillance des citoyens français présents.
- Surveillance étroite des notables autochtones.
- Arrestations dans les milieux francophiles. Assignations à résidence en Allemagne (dont camp de Holzminden).
La défaite de Sedan
La documentation française, Les Bonaparte N°8073 Janv 2010