Aux écrivains, morts pour la France
Mots-clés :
Péguy, Fournier, Alfred Lichtenstein, Louis Pergaud, Psichari, Apollinaire, écrivains, morts pour la France, Poilus,
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Départ pour le front
Avant de mourir je dois juste écrire ce poème.
Faites silence, camarades, ne me dérangez pas.
Nous partons pour la guerre. La mort est notre destin.
Oh ! Si seulement ma fiancée pouvait arrêter de brailler.
En quoi ai-je de l'importance ? Je suis heureux de partir.
Ma mère pleure. On a besoin d'être fait d'acier.
Le soleil se couche sur l'horizon.
Bientôt on me jettera dans une jolie fosse commune.
Dans le ciel, le bon vieux crépuscule est tout rouge.
Dans treize jours, peut être, je serai mort.
Poème écrit par le soldat et écrivain allemand Alfred Lichtenstein.
Il fut tué dans la Somme le 24 septembre 1914.
Plusieurs autres écrivains allemand périrent aussi :
- Ernst Wilhem Lotz,
- Ernst Stadler,
- Hans Leybold,
- Herman Lönss.
Côté français sont morts aux combats :
- Charles Péguy,
- Ernest Psichari (petit fils d'Ernest Renan),
- Guillaume Apollinaire,
- Louis Pergaud auteur de la Guerre des boutons,
- Alain Fournier auteur du Grand Meaulnes.
Voir le document :
Charles Péguy, 1873 - 1914
Mobilisé dès la mobilisation générale, le 2 août, le poète et écrivain Charles Péguy était, à la tête des trois cents soldats qu'on peut appeler les « sacrifiés de Villeroy ». Avec le 276 ème régiment d'infanterie de Coulommiers, il vient de reculer de 150 kilomètres en trois jours, dormant à peine sous une chaleur d'été étouffante. A Villeroy, le régiment se trouve donc proche de l'endroit d'où les soldats sont originaires – Coulommiers est distant de seulement de trente kilomètres. D'ailleurs, une anecdote veut que, à Saint-Soupplet, village situé à dix kilomètres de Villeroy, un soldat du régiment avait pu parler avec son père, à travers le soupirail de la cave de sa maison, durant une escarmouche avec l'armée allemande.
La bataille se déclenche, sous un temps radieux et une chaleur de plomb, à 13h30 et va durer presque cinq heures. Depuis Meaux, les habitants entendent les bruits des canons et des fusils sur le plateau au Nord-Est. A la tête de son peloton et debout dans la fusillade
comme plusieurs officiers, Charles Péguy encourage ses hommes à tirer, malgré le fait que les munitions manquent, quitte à mourir sur place. Il anticipe aussi l'ordre que le général Joffre transmet le 5 septembre, sachant pertinemment que lui et ses hommes ne pouvaient
ni avancer, ni reculer et qu'ils étaient complétement piégés par l'armée allemande.
Finalement Charles Péguy tombe, frappé à mort à 17h20, en criant, « Mon Dieu! Mes enfants ! ». Avec lui, plus de trois cents soldats français et marocains ont trouvé la mort dans ce champs de blé à Villeroy. Au final et malgré le fait que les Allemands aient reculé
– Villeroy marque la pointe extrême de l'avancée allemande vers Paris – ce sont plus de mille soldats français qui sont décédés lors de cette bataille, la dernière avant l'offensive de la Marne.
Charles Péguy et les soldats des 55 ème et 56 ème divisions de la 6ème armée, morts ce 5 septembre sont des « sacrifiés », car ils n'ont bénéficié d'aucun soutien de la part des armées française et anglaise. Cet abandon peut s'expliquer par le fait que la rencontre entre
ces deux divisions et l'armée allemande a surpris tout le monde. En effet, les soldats français et marocains pensaient que l'ennemi était vingt kilomètres plus à l'Est et que la confrontation ne se produirait que le lendemain. Une deuxième explication, plus stratégique, peut être avancée; la grande offensive de la Marne se préparait pour le lendemain, les armées avaient donc reçu des ordres précis et ne devaient pas abandonner leur position, au risque de compromettre l'offensive du 6 septembre.
La mort de Charles Péguy ne fut confirmée, par le ministre de la guerre du gouvernement, Alexandre Millerand, que deux semaines plus tard, soit le 20 septembre 1914 au travers d'un télégramme de cinq lignes à destination du maire de Bourg-la-Reine, ville de résidence de
sa famille: « [J'ai le] regret [de] vous confirmer [le] décès [du] lieutenant Charles Péguy 276e Infanterie tué à l'ennemi veuillez présenter à [sa] famille mes sincères condoléances ». Il semble que sa mort passe inaperçue à l'époque. En effet, les journaux locaux n'évoquent pas son décès, en grande partie parce que ces derniers ne sont pas parus durant tout le mois de septembre. C'est le cas de la Brie qui a du arrêter sa publication entre le 29 août et le 16 octobre 1914 ou bien encore de l'autre grand journal local Le Briard qui n'est pas publié entre le 26 août et le 29 septembre. Ensuite, au moment de leur réédition, trop de temps et d'évènements ont passé pour qu'ils s'intéressent à la mort de cet artiste.
Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu,
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles.
Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles.
Car elles sont l'image et le commencement
Et le corps et l'essai de la maison de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet embrassement,
Dans l'étreinte d'honneur et le terrestre aveu.
Car cet aveu d'honneur est le commencement
Et le premier essai d'un éternel aveu.
Heureux ceux qui sont morts dans cet écrasement,
Dans l'accomplissement de ce terrestre vœu.
Car ce vœu de la terre est le commencement
Et le premier essai d'une fidélité.
Heureux ceux qui sont morts dans ce couronnement
Et cette obéissance et cette humilité.
https://www.youtube.com/watch?v=hvNx8TK0Kww
Charles Péguy, mort pour la France le 4 septembre 1914
Le Matin, 5 Septembre 1915
Le Matin, 22 Décembre 1915
Voir les liens :
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/charles-peguy
http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/?q=content/charles-p%C3%A9guy#overlay-context=
Lire le document tiré de la grande Guerre des écrivains d'Antoine Compagnon :
La Guerre Mondiale, 2 août 1915
Chant du Glaive et de la Lyre
A CHARLES PÉGUY
Je chante ces héros qui sauvèrent le monde,
Jouteurs du sein des Cieux, de la Terre et de l'Onde,
Vous fûtes, tour à tour, les vainqueurs, les vaincus.
Des palmes, ici-bas, vos âmes aux élus,
Tous ces nouveaux engins, tuant la race humaine,
Sont loin du javelot, de la flèche incertaine !
Admirez ces soldats. Qu'étaient-ils, auprès d'eux,
Ces gens bardés de fer qu'on disait valeureux ?
Ils n'auraient point osé l'affronter ce carnage,
Les héros d'Homérus ou ceux du moyen-âge.
Modernes chevaliers que je chante en mes vers,
Vos faits d'armes seront vantés par l'univers.
Votre beau corps était le bouclier de guerre,
Votre nom, oui, titans, devra couvrir la terre,
Je voudrais que ma lyre, en vibrant, vous donnât,
L'image des vertus que nul ne soupçonna.
Songeant à votre mort, à vos brillants faits d'armes,
On ne peut que verser de longs ruisseaux de larmes.
Du délirium tremens, nous étions tous atteints !
De nous vaincre, bientôt, les Teutons sont certains.
Etaient-ce des mortels, à ces heures suprêmes ?
N’étaient-ils pas plus hauts que les mortels eux-mêmes ?
0 cendres des martyrs de notre liberté,
Vous serez les joyaux de la postérité.
Volez, mes vers émus, tout de reconnaissance,
Vers ceux qui sont tombés pour l'honneur de la France.
A toi, Charles Péguy, fier, narguant le trépas.
A vous, chefs et héros, à vous, vaillants soldats.
La tempête siffait ; défiant la mitraille,
Debout, gantés de blanc, il dépasse sa taille :
« Nous allons tous mourir ! » — Tirez toujours, tant pis !
Et la Mort les fauchait, ainsi que des épis.
Il courait en avant, brandissant son épée,
Quand il mourut, hélas ! ce héros d'épopée.
Ainsi, tomba Péguy, combattant furieux,
Comme il l'avait rêvé : « la face vers les cieux» !
Bulletin de Liaison des Amis du Mémorial de l’Alsace-Moselle N° 23 / mars 2014
Ernest Psichari, 1873 - 1914
L'Echo de Paris, vendredi 13 Novembre 1914
Revue des deux mondes, tome 39
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32858360p/date&rk=579402;0
Alain Fournier, 1886 - 1914
Fournier, Henri-Alban, dit Alain-Fournier. 1886. Parents instituteurs. Rhétorique supérieure. Homme de lettres.
1926. Jacques Rivière et Alain-Fournier. Correspondance 1905-1914, Paris, Gallimard.
Alain Fournier, 1886 - 22 septembre 1914
Alain Fournier est affecté au 288e Régiment d’Infanterie le 2 Août 1914. Il était lieutenant de la 23e compagnie.
Il est porté disparu au combat (du 21 au 30 septembre 1914) de Saint-Rémy près de Verdun avec deux autres officiers, un sergent et dix-huit soldats des 22e et 23e compagnies du 288 RI..
Il avait 28 ans.
Son corps a été retrouvé en 1991 dans un charnier dans la Meuse.
Voir le site :
http://www.als.uhp-nancy.fr/conferences/Frédéric Adam
Lire les documents :
Le Grand Meaulnes est l'unique roman d’Alain Fournier, publié en 1913.
Il est un des livres les plus lus par notre jeunesse.
Pages d'illustration du Grand Meaulnes
Voir les sites :
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/alain-fournier
http://france3-regions.francetvinfo.fr/Fournier
Voici la dernière lettre (une carte en réalité) écrite par Alain-Fournier à sa soeur Isabelle, le 11 septembre 1914.
"Je reçois bien tes lettres, ma chère petite Isabelle. Certaines me sont même parvenues au milieu du combat. Je suis en excellente santé. J'espère me rapprocher de Jacques avant peu. Je suis maintenant attaché à l'état-major à cheval. J'ai grande confiance dans l'issue de la guerre. Priez Dieu pour nous tous. Et ayez confiance aussi. Longuement, tendrement, je te serre avec ta Jacqueline dans mes Bras. Ton frère, Henri"
Poèmes de France, 15 février 1915
Guillaume Apollinaire, 1880 - 1918
Guillaume Apollinaire 1880 - 9 novembre 1918
Regrettant de ne pas avoir la nationalité française, G. Apollinaire, âgé de 34 ans, dépose le 5 août 1914 une demande d'engagement qui reste sans suite. Elle est acceptée, le 4 décembre 1914. Il est affecté au 38e RAC de Nîmes le 6 décembre 1914.
Wilhelm de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire. Né en 1880. Père inconnu. Mère « entraîneuse » ?
Lycéen, échoue au baccalauréat, ne se représente pas. Poète.
1966. OEuvres complètes de Guillaume Apollinaire (Michel Décaudin, dir.), vol. 4, Paris, Balland et Lecat.
2009. Correspondance avec les artistes, 1903-1918, Paris, Gallimard, éd. présentée et annotée par Laurence Campa et Peter Read.
Le 6 décembre 1914, il est affecté au 38e Régiment d'artillerie de Campagne de Nîmes.
Le 18 novembre 1915, il est affecté sur sa demande au 96e Régiment d’Infanterie.
Le 17 mars 1916, il est blessé d’un éclat d’obus à la tempe droite au sud-est du Chemin des Dames.
Le 9 novembre 1918, il meurt de la grippe espagnole.
Ses amours
Lou
P. Picasso : Guillaume de Kostrowitzky, artilleur, 1914
L. Marcoussis, eau-forte pour Alcools
Voir les sites :
http://www.artyuiop.fr/artyuiop/Apollinaire poemes a Lou.pdf
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/guillaume-apollinaire
http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/?q=content/guillaume-apollinaire
Les calligrammes
Voir les liens :
http://gallica.bnf.fr/Calligramme de Guillaume Apollinaire
http://unproductivepoetry.wordpress.com/Apollinaire-la-petite-auto/
http://www.wiu.edu/Apollinaire/
http://france3-regions.francetvinfo.fr/Apollinaire
Lire le document :
Apollinaire blessé au Bois des Buttes
Si je mourais là-bas...
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
- Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur -
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
30 janv. 1915, Nîmes.
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
Louis Pergaud, 1882 - 1915
Louis Pergaud (1882-1915), né à Belmont dans le Doubs, passe ses années de jeunesse et de formation à Besançon avant de devenir instituteur à Landresse.
Il est l'auteur du célèbre roman La guerre des boutons, disparu lors de la Première Guerre mondiale.
Mobilisé au 166 RI de Belfort, il est un auteur renommé en 1914.
En 1910, il obtient le prix Goncourt pour De Goupil à Margot.
En 1912, il publie La Guerre des boutons et en 1913 Le roman de Miraut.
Le 6 Avril 1915 son régiment lance, dans le secteur des Eparges une attaque contre les lignes allemandes (Cote 233) à l'issue de laquelle il est porté disparu.
Lire l'article :
La mort des écrivains
Annette Becker
Apolinaire, poète deux fois assassiné
Textes tirés de l'ouvrage : 14-18, la Très Grande Guerre (Le Monde Editions)
Voir l'article sur Les écrivains combattants :
http://87dit.canalblog.com/archives/2012/10/10/25512750.html