Les chemins de la mémoire : paysages en guerre
Mots-clés :
paysages, Chemin des Dames, Genevoix, Ornes, tunel allemand, tranchée de Calonne, Ravin de la Fragoulle, Ravin de la mort, Reims, obus, pèlerinages,
Lire les articles :
Les pèlerinages dans les régions dévastées de la France
Reconstruction des régions dévastées
La Côte 108
Anne Morgan, bienfaitrice américaine
Le centenaire de la Grande Guerre a conduit des dizaines de milliers de visiteurs français et étrangers à la découverte des paysages hérités de 14-18. Mais il est des traces aujourd’hui à peine perceptibles ou qu’il faut lire à l’aune du récit des batailles qui se sont succédé.
De l’ancienne ligne de front aux territoires occupés en passant par les villes détruites et les forêts reconstituées, aucun paysage ne fut en réalité épargné par la Grande Guerre.
1914-1918, TENIR LE CHEMIN DES DAMES
L’offensive française sur le Chemin des Dames démarre le 16 avril 1917. Les pertes sont considérables en raison de la configuration du terrain. Du 20 mai à la fin juin, des mutineries éclatent. Les Allemands en sont informés. Ils en profitent pour lancer une contre-attaque.
Entre juillet et novembre 1917, Français et Allemands cohabitent parfois de très près, notamment à la Caverne du Dragon. En octobre 1917, plus de 500 Allemands sont retranchés dans les galeries de la carrière du Montparnasse, une position clé dominant le plateau et la route reliant Laon à Soissons. Les Français tiennent le Chemin des Dames, mais en mai 1918, le secteur est repris lors d'une nouvelle offensive allemande. Il n’est reconquis qu’en juillet 1918.
Bloc diagramme du Chemin des Dames. Ce plateau généralement orienté est-ouest est le témoin isolé, parmi d’autres, de terrains tertiaires surmontés par un entablement calcaire d’âge lutétien. La butte de Laon et le massif de la forêt de Saint-Gobain situés plus au nord ont la même origine géologique.
Le plateau du Chemin de Dames est limité au nord par la vallée de l’Ailette et au sud par la vallée de l’Aisne. Sur les cartes et vu d’avion, il se présente sous la forme d’une feuille de chêne, une morphologie qui résulte de l’érosion. © F. Hanot 2017
Cantonnement de chasseurs dans la carrière du Montparnasse, La Malmaison (Aisne).
© E. Mas/ECPAD/Défense
Le Chemin des Dames. Tranchée française en 1917. © Roger-Viollet
Tunnel allemand sous le Chemin des Dames. © J-P. Batteux
Exemple de sculpture dans la carrière de Montigny à Machemont (Oise)
réalisée par un légionnaire nommé Bucher (5e compagnie du régiment de marche de la Légion étrangère). © F. Hanot
Voir le lien :
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/regard-geologique-sur-le-chemin-des-dames
Voir l'article :
Cartes postales : chemin des Dames-Craonne
PAYSAGES DU FRONT MILITAIRE
Le paysage militaire du front occidental a été créé par des hommes en uniforme venus du monde entier, souvent surpris par les champs à la française, le patrimoine bâti ; et le temps qu’ils regardent, tout avait été annihilé. Comment dire cet environnement aux paradoxes sans fin, détruit, décomposé, recomposé, celui des différents dépôts de la violence, au sens géologique du terme ? Premier paradoxe : le fourmillement de centaines de milliers d’hommes a créé cette cicatrice longue de 1000 km qui serpente de la mer du Nord à la frontière suisse et ces hommes en sont comme absents.
Car, comme l’a si bien dit Apolinaire, le paysage de guerre doit être invisible - et d’abord les hommes et les canons : "Car on a poussé très loin durant cette guerre l’art de l’invisibilité." Les obus de tous calibres ont tout dilacéré, il ne reste que barbelés et cratères : paysages lunaires, paysages d’enfer, comme chez les artistes Otto Dix ou Clagett Wilson, qui dans sa Dance of Death entraîne trois morts dans les barbelés du no mans’ land ; leurs corps désarticulés continuent à danser dans le paysage de guerre, sans fin.
La cathédrale de Reims en ruines, après les bombardements en septembre1914.
© Roger-Viollet
Prisonniers allemands de la cote 304 (ravin de la Hayette) pendant la bataille de Verdun,1916.
© Roger-Viollet
Voir l'article :
La cathédrale de Reims en 1918
LES VILLAGES DISPARUS, UN PAYSAGE CICATRISÉ
La Première Guerre mondiale est un facteur déterminant dans l’évolution du paysage meusien. Cet épisode violent que l’on peut rattacher à l’ère de "l’anthropocène" a modifié en profondeur et de manière irréversible l’environnement et la biogéographie de la zone de front. Pour la première fois dans l’histoire des sociétés, la mutation et la fossilisation d’un paysage se sont opérées en l’espace d’un demi-siècle à peine. D’une ruralité ancestrale avec ses villages, ses champs et bois communaux, on assiste, dès le début des hostilités, à l’apocalypse d’une terre dévastée, mutilée, crevassée. Quelques années plus tard, au terme du conflit, ce paysage, fortement dégradé par l’activité militaire, est reconquis par une végétation spontanée qui fixera les premiers "polémoformes" du champ de bataille. Vers 1920, la plantation en masse de résineux sur les anciennes terres agricoles et sur les villages détruits signe la fin de l’openfield. Aujourd’hui, dernier stade d’évolution, le paysage cicatrisé est modelé par les gestionnaires de la forêt et les aménagements touristiques. Les vestiges archéologiques, habituellement enfouis sous terre, le sont cette fois mais sous un couvert végétal qui masque leur lisibilité.
Ornes, un village martyr sous l’oeil du laser. Mission Lidar forêt domaniale de Verdun, DRAC/ONF Lorraine, mars 2013.
© Traitement géomatique de R. De Matos-Machado 2014
Ornes, village "mort pour la France" avant sa destruction en 1916
Ornes, pris le 24 février 1916 et libéré en état de ruines en août 1917,
totalement détruit par le déluge de l’artillerie, 9 juillet 1916.
© Archives historiques de la Défense
Ornes, vestiges de l’église : une valeur symbolique des "sacrifiés pour Verdun", 2018.
© D. Jacquemot
La forêt conservatoire des villages disparus, 2016. © D. Jacquemot
Voir le lien :
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/regard-archeologique-sur-les-villages-detruits
Voir l'article :
Nos vieilles églises sous les bombes
LA NAISSANCE D’UN PAYSAGISTE
Genevoix, conformément aux instructions et sous peine de censure, ne précise pas dans ses lettres les lieux où il se trouve, les positions occupées par son unité, mais ses descriptions de la campagne, du relief, des végétaux, de la nature du sol sont si évocatrices que son correspondant, professeur de géographie, confrère estimé de Paul Vidal de Lablache, peut identifier sans hésitation les environs de Verdun et le profil de cuestas de cette partie de la Lorraine. Dès le mois d’octobre, depuis l’École normale où il réside, il a pu situer sur une carte la position du 106e RI, et en suit les épreuves dans les communiqués mentionnant Les Eparges.
Ravin de la Fragoulle dit le Ravin de la mort. Les Éparges (Meuse), 1917.
Détail d’une vue stéréoscopique prise par le soldat Maurice Létang du 53e régiment d’infanterie.
© M. Létang/Roger-Viollet
La tranchée de Calonne (Meuse), 1917.
Détail d’une vue stéréoscopique prise par le soldat Maurice Létang du 53e régiment d’infanterie.
© M. Létang/Roger-Viollet
Voir l'article :
Ecrivains combattants
L’ÉMERGENCE D’UNE PROBLÉMATIQUE ENVIRONNEMENTALE
L’impact de la guerre de 14-18 sur l’environnement n’a commencé à être étudié qu’il y a quelques années. Mais les recherches en cours ne cessent de le démontrer : ses séquelles s’étendent au-delà des anciens territoires dévastés, et se prolongeront longtemps encore.
Détecteur de mines de l’armée française, après la guerre 1914-1918. © Roger-Viollet
Sous les anciennes murailles de Coucy-Le-Château,
une charrue de paysans vient de heurter un obus de fort calibre, 350 mm.
© The New York Times/Wide World Photos/Actualit/Collection CEGESOMA
La Place à Gaz, Meuse. © I. Masson-Loodts
Explosion d'obus près de Verdun
Chantier de Spincourt dans la Meuse.
Déchargement d'obus toxiques allemands.
Usine Citroën, fabrication d’obus, Paris, 7 octobre 1915.
© Musée Carnavalet/Roger-Viollet
Voir le lien :
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/les-sequelles-environnementales