Restrictions et rationnement à l'arrière du front, pénurie des denrées alimentaires
Mots-clés :
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Le 15 juin 1916, on instaure l’heure d’été pour réduire les dépenses énergétiques. En 1917, on établit des cartes de sucre, de pain et de charbon. Les boucheries ferment 3 jours par semaine. En février 1918, le rationnement est généralisé, chaque Français reçoit sa carte d’alimentation. Face à la pénurie, le mécontentement grandit ; des magasins sont saccagés.
À côté de ceux qui, en ville et en zone occupée surtout, souffrent des privations, les « mercantis » spéculent et s’enrichissent. À la fin de la guerre, les produits alimentaires sont en moyenne 2 fois plus chers qu’en 1914. Le sucre est rationné jusqu’en 1921.
Les restrictions sont dus à la baisse des rendements ; la prodction de blé passe de 68 millions de quintaux pour la période de 1909-1913 à 37 millions en 1917. L'intendance militaire se livre à des achats massifs ; un tiers du cheptel équidé est réquisitionné par les armées.
Les civils du Nord (2,5 millions de personnes) sont les plus touchées ; elles vivent sous l'occupation allemande : interdiction des rassemblements, censure de la presse française, laissez-passer nécessaire aux déplacements d'une commune à l'autre, etc...Elles subissent le pillage de l'occupant allemand.
File d'attente due au rationnement en 1917.
André Devambez,
file d’attente constituée devant un des magasins Bernot Frères,
charbonnier parisien.
Après le contrôle de la production et la taxation des prix (maxima) des denrées de consommation courante (pétrole, farine, beurre, lait, pain, etc... ) pratiqués dès 1915, sont institués à partir de 1916-1917, afin de limiter les abus liés à la rareté des produits, des cartes de rationnement, d’abord à Paris puis en province.
Leur distribution est l’une des rares occasions données pendant la guerre de dénombrer la population en établissant des listes nominatives, il est vrai, dans un surcroît de travail pour les mairies. Ainsi, en janvier 1917 à Lanrigan, au sujet des cartes de sucre « cette denrée si nécessaire dans les ménages qui ont des enfants et des malades », le maire explique qu’« il va falloir faire le recensement des consommateurs ; chacun d’eux recevra une carte, cela ne fait aucun doute, mais le sucre viendra-t-il ensuite ? ». Suite aux mauvaises récoltes en blé, le pain est rationné (300 g de 1 à 6 ans et 500 g au-delà), sa vente réglementée et un carnet de pain familial progressivement mis en place (décret du 3 août 1917).
L’essence est rationnée (un litre par maison et par mois) à partir de juin 1917. Le charbon devient rare dès 1916 et cher ; à Vitré, le service du gaz qui fonctionne avec ce combustible est souvent en rupture de stock à partir de la fin 1917. À la campagne, le rationnement touche surtout les travaux agricoles (battages) et les artisans (maréchal-ferrant).
L’Etat prescrivit la fixation de prix maximum par une série de lois :
- la loi du 16 octobre 1915 imposait la taxation de la farine ;
- celle du 20 avril 1916 portait sur la taxation des denrées et des substances ;
- 30 octobre 1916, arrêté du ministre du commerce sur le rationnement sur le sucre
- celle du 29 juillet 1916 était relative à la taxation et à la réquisition des céréales ;
- celle du 7 avril 1917 concernait la taxation du blé ;
- 24 juin 1918, instauration de la carte de tabac ;
- 1 avril 1918, création de la carte individuelle d'alimentation.
Dans leur département, les préfets répercutèrent ces lois et fixèrent les taxations par arrêté.
C’est ce que firent les préfets Fernand Raux puis Edmond Fabre dans le département de l’Oise aux dates suivantes :
- le 8 août 1916, taxation de la farine ;
- le 25 novembre 1916, taxation de la vente au détail du sucre ;
- le 6 mars 1917, taxation des beurres et des fromages ;
- le 28 mars 1917, taxation des pommes de terre et du sulfate de cuivre ;
- le 21 avril 1917, taxation du pain et de la farine
- le 6 août 1917, taxation des céréales, des farines, du son et du pain ;
- le 5 septembre 1917, rectificatif sur la taxation du pain ;
Soupes populaires. Bons de ravitaillement vierges, [1916-1917].
Supprimez le superflu, mars 1918.
Le Comité d’Alimentation du Nord de la France (CANF) organise chaque semaine des distributions de denrées et de vêtements pour aider les familles roubaisiennes à survivre. Un accord est passé avec l’occupant qui s’engage à ne réquisitionner ces denrées sous aucun prétexte et à faciliter leur entrée sur le territoire. Chaque achat, chaque dépense, chaque distribution doit pouvoir être vérifiée et justifiée.
A cela s’ajoute les soupes populaires organisées par le comité, les fourneaux économiques de la ville et les subventions de la Fondation de Californie qui vient en aide aux familles nombreuses dans la misère. La mise en place de ces organisations a permis de sauver de nombreux Roubaisiens de la famine.
La vie quotidienne à Liège pendant la Première Guerre mondiale
Francois Debart Florent Deblecker Sarah Delvin
La carte individuelle d’alimentation
En mars 1918, les chefs de famille doivent remplir une déclaration pour les membres vivant au même foyer pour l’établissement des cartes individuelles d’alimentation (loi du 10 février 1918 et décret du 27 juin 1918). Cette nouvelle mesure se veut « un instrument de répartition équitable des denrées indispensables à la nourriture de tous ». Elle concerne le pain et le sucre. Les premières cartes délivrées en mai sont pourtant remplacées par d’autres dès le mois d’octobre 1918 suivant pour entrer en vigueur le 1er janvier 1919.
La première version n’avait pas suffisamment pris en compte les travaux de force auxquels étaient soumis les plus jeunes (11–13 ans) et les plus de 60 ans, spécialement travaillant la terre, qui comme le dit le maire de Lanrigan, « remplacent dans les familles où ils se trouvent les hommes partis à la guerre ». Les rations ont aussi augmenté. Des coupons sont à remettre aux commerçants. En outre, les familles n’ont plus à choisir un boulanger.
Les soldats en permissions ou en déplacement sont également soumis au régime de la carte d’alimentation. Le ravitaillement civil prend officiellement fin en octobre 1920. La commission régionale d’étude relative à la cherté de la vie, créée en 1920, établit l’année suivante que le coût moyen d’un ménage de quatre personnes a été multiplié par 2,5 entre 1914 et 1919 et par 3,2 entre 1914 et 1920.
Carte indviduelle d'alimentation pour un enfant de 7 ans.
Carte indviduelle d'alimentation pour une femme cultivatrice de 81 ans.
Carte individuelle d'alimentation pour une jeune fille de 18 ans.
Carte individuelle d'alimentation pour vieillard de 70 ans.
Carte d'alimentation pour enfants de 3 à 13 ans inclus.
Les cartes d'alimentation sont instituées à Paris le 18 février 1918 (par le sous-secrétaite d'Etat au Ravitaillement, Ernest Vilgrain) et sont étendues dans toute la France le 1 juin 1918.
Article du journal Le Finistère, novembre 1917
Ne gaspillez pas la nouriture quand les autres ont fain, 1917, Etats-Unis
Rationnement des combustibles
En 1917, l’essence destinée à l’usage quotidien (chauffage et électricité) est limitée à un litre par ménage et par quinzaine, sur présentation d’un bon de consommation.
Le Petit Journal, 17 novembre 1916
Par décret du 16 avril 1917, l’essence destinée à l’usage quotidien pour le chauffage et l’électricité est limitée chaque quinzaine à un litre par ménage, sous réservé des quantités disponibles, et sur présentation d’un bon de consommation.
La sensibilisation au conflit passe par la « mobilisation » de tous les civils. Les enfants ne sont pas oubliés. Au début de 1918, le ministre de l’Enseignement lance un concours de dessin adressé aux élèves âgés de 11 à 16 ans, pour la création d’affichettes sur le thème des restrictions.
Le message est chaque fois clairement exprimé : de petites privations au quotidien permettent le partage, en particulier au bénéfice des combattants. L’image de la guerre est totalement absente dans chacune de ces affiches, seul le slogan rappelle que la mobilisation de l’économie et de la société est nécessaire pour soutenir l’effort de guerre.
Le Petit Journal, 15 novembre 1916
Le Petit Journal, 7 décembre 1916
Avis à la population sur la crise du combustible.
Affiche, 28 décembre 1916.
Affiche placardée en avril 1917 pour appeler la population à économiser le charbon.
Recherche du charbon à l'Opéra
Le préfet Maurice Hélitas fait placarder dans le Cantal cette mesure qui vise à économiser l'essence et le pétrole. Ces produits ont été rationnés de 1917 à fin 1918.
Des tickets de rationnement de 5 litres sont édités. Avec la mécanisation du conflit (aviation, chars d’assaut et transport de troupes), l’essence et le pétrole deviennent des produits hautement stratégiques.
17 novembre 1916
Affiche de J-L Forain, imprimerie Arts et films H. Vidalie
Affiche de Chleis, imprimerie Arts et films, H. Vidalie
Le charbon, c'est du pain, Allemagne 1918
L'éclairage coûte du charbon, Etats-Unis, Coles Phillips, 1917
Rationnement de pain
Le pain et la farine sont limités à partir de 1917.
Avis à la population concernant la fabrication du pain
Préfecture du département de la Seine, affiche du 7 août 1914.
Cultivateurs, livrez patriotiquement vos grains.
Consommateurs, imposez-vous vigoureusement les restrictions réclamées
par le Gouvernement de quelque nature qu'elles soient.
Fille d'attente devant une boulangerie à Lille
Affiche placardée en mai 1915
pour informer la population des points de distribution du pain.
Appel du maire de Rennes pour la restriction de pain, 24 décembre 1917
L'Ouest-Eclair, 15 mai 1916
Appel du maire de La Rochelle pour la restriction de pain, 26 décembre 1917
Affiche parue le 24 février 1917.
Réglementation sur la fabrication et la vente de pain.
Le préfet Maurice Hélitas fait placarder dans le Cantal cette mesure qui vise à limiter le superflu et donc à économiser les denrées alimentaires de première nécessité (beurre, lait farine et sucre).
Les pâtisseries, comme dans les autres départements français, sont fermées plusieurs jours par semaine. Se mettent alors en place des comités de répartition du sucre, de la farine, du blé et du charbon. La pénurie d’aliments et d'autres articles se développe assez rapidement après le début de la guerre.
Dès 1915, on prévoit de rationner le pain. En 1916 la pénurie est telle que le marché noir se développe, les citoyens étant réduit à manger du pain noir. La récolte est mauvaise et la pêche est interdite.
En 1917, la population française est répartie en 6 catégories pour la mise en place de tickets de rationnement.
Le ravitaillement est l’obsession du gouvernement qui craint le mécontentement de la population et des soldats.
Tickets de pain pour les permissionnaires
Affiche d’annonce des lieux de distribution de la carte de pain, 23 janvier 1918.
Feuille de tickets de pain, mars 1918.
Affiche de S.Vincent, école communale, 252 Av Daumesnil Paris
Plus de pâtisseries en Belgique à patir d'octobre 1916.
A cause de l'esprit moralisateur de la Commission for Relief in Belgium, qui ne voulait plus fournir de la farine pour fabriquer des pâtisseries, considérées par elle comme des produits de luxe et donc inutiles, les pâtissiers belges furent contraints de fermer boutique à partir du 27 octobre 1916.
Apparamment, selon les témoignages d'époque, la majorité des Belges ne s'en portaient pas plus mal. Ils trouvaient également qu'en temps de guerre et de misère, il n'y avait plus de place pour des frivolités. Ainsi il y aurait plus de farine pour faire du pain.
Rien que ça de pain ! Vous mangez bien chez vous !
Ben ... on n'est pas des boches !
Carte journalière de pain délivrée par la mairie de Corbeil pour février 1918
Carte journalière de pain pour le mois de mai 1918
Pour un ticket de 100 g, le client peut choisir un pain parmi quatre sortes proposées ou 50g de farine. Les autres pains sont interdits à la vente. Le boulanger ne peut vendre du pain sans ticket ou contre des bons périmés. La quantité ne peut excéder celle indiquée sur le ticket. En cas d’infraction au décret du ravitaillement national, les fautifs encourent une amende de 16 à 2000 Francs et/ou risque d’emprisonnement de 6 jour à 2 mois.
Ordre de réquisition de 300 kg de pain envoyé au maire de Vitré le 7 août 1914
Rationnement de lait
Une commission de distribution du lait est prévue dès août 1914 pour le cas où le lait viendrait à manquer. Celui-ci serait alors distribué en priorité aux malades, aux enfants en bas âge et aux personnes âgées.
Rationnement de sucre
Le sucre est rationné en 1916.
Mangeons moins de sucre.
Le sucre est un superflu.
Bon spécial de sucre pour les malades,
vieillards titulaires d'une carte d'alimentation de la catégorie C
Carnet de sucre de Gustave Effel
Le Petit Journal, 15 mai 1915
Avec la carte, nous aurons peu,
mais nous en aurons tous.
Taxation des beurres
Affiche parue le 1 er février 1917 sur la taxation des beurres
Réglementation de la vente et de la consommation de la viande
Rationnement de tabac
Taxation de la chicorée
Voir les liens :
http://crdp.ac-amiens.fr/cddpoise/oise14_18/restrictions_en_temps_de_guerre.php
http://www.rtbf.be/14-18/thematiques/detail_alimentation?id=8296364
Affiche placardée en mai 1918 concernant la consignation des orties
Fabrication de l'huile en Allemagne
Les noyaux de cerises donnent de l'huile.
Affiches de E.F. Julius Gipkens, 1917, Allemagne
En 1917, les Allemands manquent de tout. Ils manquent cruellement de pain et d'huile. Ils doivent se priver de vêtements, de chaussures, de savon.
Recettes économiques publiées par la Ville de Paris
Cartes postales
Ensemble de recettes patriotiques invitant les ménagères à économiser l'énergie et les denrées au profit de ceux qui en ont le plus besoin, en particulier la viande, à réserver aux combattants.
Cultivons notre potager !
Les pommes de terre sont rationnées dès 1916.
En 1917, le mot d’ordre national est « Ne laisser aucune terre inculte et improductive ». Les terres doivent produire le maximum de céréales, pommes de terre, fruits et légumes.
Les pommes de terre à Montbéliard
Toute la population est encouragée à planter des pommes de terre afin de compenser les déficits en céréales.
Le Petit Journal, 24 décembre 1916
Hautot, affiche Pichot, 1915
« Circulation des haricots et des pommes de terre »
arrêté préfectoral, 9 octobre 1918.
Mont-de-Marsan, Dupeyron, 56 x 38,5 cm. AD 40, RS 725
La nécessité du ravitaillement est d’autant plus grande que la perspective d’une guerre courte est abandonnée au cours de l’année 1915 : il faut alors prévoir sur la durée la subsistance de tous les soldats. Les taxes ont pour but d’éviter l’envolée des prix.
Le contrôle de la circulation des marchandises doit empêcher leur évasion vers d’autres départements et donc assurer le ravitaillement de la population locale. Ce sont autant de mesures qui permettent de soulager l’appétit de l’arrière sans toutefois parvenir à éviter l’envolée des prix.
La population bruxelloise est heureuse que les pommes-de-terre soient de retour en 1916.
C’est un grand jour, aujourd’hui : on fête les patates nouvelles, et c’est un pittoresque spectacle, l’attroupement, aux portes des magasins communaux, de milliers de ménagères, et d’hommes aussi, et d’enfants qui viennent, pour la première fois, chercher leur ration de 300 grammes. Il faut se mêler à cette foule et parmi elle, attendre patiemment son tour – deux heures ! – pour bien pénétrer l’âme populaire et se rendre compte de l’état toujours robuste des esprits après deux ans de tyrannie et de souffrances.
Sans doute, il y a des lamentations ; presque toutes les bourses sont plates ; la gêne si pas la misère, est au foyer ; et, dans le nombre, combien qui ont, le cœur fendu par l’interminable absence d’un mari ou d’un fils appelé au champ de combat !
Mais de l’ensemble des réflexions échangées, des menus propos, des plaisanteries alternant avec les sombres pensées, se dégage une impression de courage indomptable et de confiance illimitée. Il semble que tous ces gens aient adopté pour devise : je tiendrai bon !
Cette affiche de la Première Guerre mondiale, publiée par le département du Trésor des États-Unis, exhorte les femmes à acheter des timbres d'épargne pour aider au financement de l'effort de guerre. La campagne de vente des timbres d'épargne de guerre (également appelés WSS) visait à stimuler le patriotisme des citoyens et à collecter des fonds. Les timbres, disponibles dans des versions de 10 et 25 cents, étaient achetés par des écoliers et d'autres petits épargnants.
L'affiche invoque le personnage de Jeanne d'Arc (1412–1431 env.), figure traditionnelle patriote et martyre de la France, qui mena la lutte contre les Anglais pendant la guerre de Cent Ans. L'illustration, qui représente une jeune et belle héroïne levant son épée, fut réalisée par Haskell Coffin (1878–1941), artiste américain célèbre pour ses portraits de femme sur les couvertures des revues The Saturday Evening Post, McCall’s Magazine, The American Magazine, Redbook et d'autres magazines hebdomadaires et mensuels.
Humour
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10509251d?rk=21459;2
Composition française des écoliers
Equipe agricole scolaire, 1917
L'affiche de Victor Prouvé
Affiche de Victor Prouvé, imprimerie Berger-Levrault,
Paris-Nancy, 1918. 73 x 58 cm
L'affiche de Victor Prouvé joue sur le sacrifice garant de la victoire.
Dans le détail, sa composition oppose deux milieux sociaux distincts : des bourgeois à gauche, un foyer populaire à droite. C'est à une forme d'"Union sacrée" de la restriction qu'appelle l'artiste.
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