Lille pendant la Grande Guerre
Mots-clés :
Lille, Léon Trulin, fusillers, comité Jacquet, affiches, Allemagne, restrictions, destructions, Grande Guerre,
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1917, le temps des mutineries
1916 : Verdun, l'année infernale
Restrictions et rationnement à l'arrière du front
La population lilloise ressort profondément marquée, traumatisée même, par quatre années d’une occupation sans limite.
Le bilan social et humain est catastrophique : on estime que 80% des adolescents ont une taille et un poids bien inférieurs à la moyenne, la puberté est ralentie, les maladies infectieuses, notamment pulmonaires, sont largement répandues…
La natalité a fortement diminué, l’exode et la mortalité ont vidé la ville de 40% de sa population qui ne compte plus que 125 000 habitants (218.000 habs en 1911).
La bataille de Lille
Attaque de la porte de Douai, le 12 octobre 1914
Combat de rue dans Lille de Curt Schulz-Steglitz, 1914
La conquête de Lille par l'armée allemande
Lille occupée
Pendant la Grande Guerre, Lille subie l’occupation allemande. Pendant les quatre années de guerre les Lillois ont vécu une cohabitation forcée avec les forces du Reich.
Plus de charbon pour se chauffer, ni gaz ni électricité pour s’éclairer.
L’état de guerre, la proximité du front, Lille est située à moins de 20 kilomètres de la ligne des combats ; la transformation de la ville en base arrière de l’armée allemande, imposent la présence quotidienne de très nombreux soldats et de civils allemands qui tiennent commerce dans le centre-ville.
Les rituels tels que les revues et les relèves de la garde sur la Grand-Place font sourire. En revanche, l’obligation de loger des officiers, de répondre aux réquisitions et aux perquisitions, de participer aux revues d’appel des hommes mobilisables ou de céder la place dans les tramways ou dans les églises agacent une population qui doit se soumettre à une autorité étrangère.
Les parades militaires
Information de la population via les affiches
Affiches placardées à Lille
lors de la première occupation allemande de septembre 1914
Affiche placardée le 18 octobre 1914
Affiches concernant le logement chez l'habitant
Les controles de la population
Carte d’identité obligatoire sous l’occupation
Affiche placardée en février 1915
pour informer des condamnations pour détention de pigeons
Les restrictions
Les restrictions concernent l'alimentation et les sources d’énergie.
La ration de pain est fixée entre 300 et 500 grammes par jour et par personne. De plus, ce pain, fabriqué à partir d’ingrédients de médiocre qualité est peu nutritif et source de problèmes digestifs.
Dans le même temps, les rations d’autres aliments tels que le lait, la viande ou les oeufs diminuent fortement pour finir par disparaître à peu près totalement.
Le gaz est strictement rationné et son utilisation est interdite par l’occupant pour la cuisine et le chauffage. Le pétrole et les bougies sont introuvables et la ville vit donc au rythme du soleil. Le charbon est très difficile à se procurer et la ration est limitée à 300 kilos par mois et par famille ce qui est insuffisant pour se chauffer l’hiver.
L’hiver 1916-1917, très rigoureux, est l’un des plus difficiles à surmonter.
Affiche placardée en mai 1918 concernant la consignation des orties
Affiche placardée en mai 1915
pour informer la population des points de distribution du pain
Affiche placardée en avril 1917, pour appeler la population à économiser le charbon
Les fusillers de Lille
Eugène Jacquet est grossiste en vin et secrétaire général de la Fédération du Nord de la Ligue des Droits de l’Homme. Avec notamment l’aide de trois de ses amis, Georges Maertens, Ernest Deconninck et Sylvère Verhulst, il met rapidement en place un réseau de renseignements et d’évasion, qu’on appellera par la suite le « Comité Jacquet ».
Pendant près d’un an, ils permettront à de nombreux militaires alliés égarés de prendre
la fuite par la Belgique vers les Pays-Bas.
Le comité Jacquet
Des centaines de personnes, nordistes comme belges, se sont organisées pour héberger, nourrir et faire passer aux Pays-Bas des centaines de soldats coincés en zone occupée.
Tout ça est géré depuis Lille, par Eugène Jacquet et son comité.
Le « comité Jacquet » assure l’hébergement des fugitifs belge, la confection de faux papiers et l’accompagnement vers les Pays-Bas. Autant d’infractions passibles de mort car l’autorité allemande les assimile à des actes de trahison.
Ce groupe, qui n’est pas unique dans le Nord occupé, a des ramifications dans la zone fortifiée, dans les villes comme dans les zones rurales.
En juillet 1915, quatre des principaux membres dont Eugène Jacquet et Georges Maertens sont arrêtés.
Condamnés à mort pour trahison, ils sont fusillés à Lille le 22 septembre 1915.
Léon Trulin
Léon Trulin : en créant le réseau de résistance « Noël Lutrin » (anagramme de son nom) avec son ami Raymond Derain, il reste le symbole d’une jeunesse courageuse fauchée trop tôt par l’ennemi.
Il est arrêté à l’âge de 18 ans par les Allemands alors qu’ils glanaient de précieux renseignements entre Anvers et la frontière Hollandaise. Le 5 novembre 1915, le verdict tombe comme un couperet, il est condamné à mort.
Léon Trulin déclare simplement: « J'ai fait ça pour ma patrie ». Puis, il a écrit sur son petit carnet : « Le 7 novembre 1915, à 4 h10, heure française, reçu arrêt de mort vers 3 h 1/4 ». Et au-dessous ces lignes : « Je meurs pour la patrie et sans regret. Simplement je suis fort triste pour ma chère mère et mes frères et sœurs qui subissent le sort sans en être coupables ». Le 8 novembre 1915, il est exécuté dans les fossés de la citadelle.
A l’angle de la rue Léon Trulin et de la rue Faidherbe, une statue est érigée en sa mémoire.
Avis d'exécution de Léon Trulin.
La date de naissance, erronée, est sans doute basée sur celle que Trulin a fait inscrire sur sa carte d'identité afin de se rajeunir.
Statue Léon Turlin, à l'entrée de la rue Léon Turlin, Lille
Léon Trulin, né à Ath en 1897, est fusillé le 8 novembre 1915, à l'âge de 18 ans, dans les fossés de la citadelle de Lille, pour des actes de résistance. Son destin crée une grande émotion à Lille et il fait l'objet de nombreux hommages.
E. Martin-Mamy, La Vie et la Mort du Jeune Léon Trulin, dans la Revue Les Annales du 29 décembre 1918 [1] [archive]
Lille, à ses fusillés
En 1940, les allemands détruisent à coups de pioche et de dynamique le monument.
La carte postale des années 1950 montre ainsi des fusillés décapités... Ils ont retrouvé leur visage en 1960 et sont installés, boulevard de la liberté.
Historique :
- 1915 : 22 septembre, les membres du comité Jacquet sont fusillés.
- 1924 : projet d'un monument en leur honneur.
- 1926 : commande. Discussions avec les proches des disparus.
- 1929 : 31 mars, inauguration.
- 1940 : 25 août, le monument est détruit par les Allemands lors de la 2e occupation de Lille.
- 1960 : reconstruit à l'identique (mais personnages sans moustaches) par la veuve du sculpteur, Germaine Oury-Desruelles.
Erigé au bout du boulevard de la Liberté (square Daubenton).
Ce monument commémore le sacrifice de cinq résistants de la Première Guerre mondiale :
Les quatre membres du comité JACQUET, fusillés le 22 septembre 1915 (de gauche à droite sur le monument) :
- George MAERTENS, commerçant,
- Eugène DECONYNCK, lieutenant,
- Sylvère VERHULST, ouvrier (belge),
- Eugène JACQUET, marchand de vins,
Le jeune étudiant belge Léon TRULIN, fusillé le 8 novembre 1915 à l'âge de 18 ans (représenté à terre).
Sculpteur : Félix DESRUELLES, signé.
George MAERTENS, Eugène DECONYNCK, Sylvère VERHULST, Eugène JACQUET.
Léon Turlin
H.139
L. 206
Pr. 52,5 cm
Description du monument :
Les quatre hommes sont adossés contre un pan de mur, symbolisant les fossés de la Citadelle de Lille, lieu de leur exécution.
- Eugène Jacquet a les mains dans les poches, il repousse sa veste et campe la poitrine en avant, il regarde ses bourreaux en face et attend la mort avec courage.
- Sylvère Verhulst, plus humble, tête baissée et bras ballants, semble résigner à affronter la mort.
- Ernest Deceuninck, les bras croisés sur la poitrine, regarde la mort en face comme Jacquet.
- Georges Maertens, lève les yeux au ciel et se tient immobile.
L'inauguration, prévue tout d'abord pour septembre 1928, fut reportée au 31 mars 1929.
L'inauguration eut lieu à 11 h 30 du matin, square Daubenton, où le comité Jacquet, ayant à sa tête M. Moithy, était rassemblé.
La municipalité était représenté par M. le Maire, M. Salengro, entouré de nombreux adjoints et conseillers municipaux.
Monument aux victimes civiles de l'explosion des 18 ponts
Monument aux victimes de l'explosion des 18 ponts en 1916
L’EXPLOSION DE LA POUDRIÈRE DES 18 PONTS :
11 janvier 1916, 3h30 : Lille est secouée par une violente explosion, entendue jusqu’en Hollande. Une grande lueur jaune illumine le ciel…
L’explosion (sans doute accidentelle) creuse un cratère de 150 mètres de diamètre et de 30 mètres de profondeur, en bordure du boulevard de Belfort. 21 usines et 738 maisons ont été soufflées dans le quartier de Moulins.
On relève 104 morts dans la population civile, 30 chez les Allemands, et près de 400 blessés dont 116 grièvement.
Sculpteur : Edgard Boutry
Prix : 140 000 francs
Inauguré en 1929 par le maire Roger Salengro
Les destructions
Carte postale du bastion des 18 ponts, entre octobre 1914 et janvier 1916.
Visite du Prince Rupprecht de Bavière, commandant en chef de la sixième armée, au bastion des Dix-huit Ponts.
Cette photographie a été faite deux mois avant l'explosion. Elle ne montre que dix arcades ; les autres se continuaient à gauche dans la même forme.
Rues avoisinantes le bastion suite à l'explosion
Explosion du dépôt de munitions des 18 ponts, nuit du 10 au 11 janvier 1916 :
Les 18 ponts étaient un immense bastion aménagé dans les remparts, au niveau de l’actuel boulevard de Belfort dans le quartier Moulins, rempli de munitions et d’explosifs, bien entendu réquisitionné à ce moment-là par les Allemands.
Il était constitué de 18 grandes arches réparties sur 2 étages (d’où son nom) et de profonds souterrains. Dans la nuit du 10 au 11 janvier vers 3h30 du matin, le dépôt explose. La déflagration est énorme (elle a même été entendue jusqu’aux Pays-Bas) et en quelques secondes, c’est tout un quartier qui est détruit.
Le dépôt a totalement disparu pour laisser place à un immense cratère de 150 mètres de diamètre et environ 30 mètres de profondeur. 21 usines et plus de 700 maisons sont totalement soufflées et des centaines d’autres voient leurs vitres brisées ou leurs toitures endommagées.
On dénombre une centaine de morts et plus de 400 blessés plus ou moins gravement.
Cette explosion est très traumatisante pour la population, déjà très affaiblie par l’occupation : de nombreux habitants se retrouvent partiellement ou totalement sans abri, sans nourriture ni vêtement (en plein hiver) et sans aucune ressource, ce qui provoquera une vague de demandes de secours supplémentaires auprès de la municipalité, déjà débordée et ruinée.
Dans la nuit du 23 au 24 avril 1916, un incendie se déclare au 2e étage de l’hôtel de Ville. Le bâtiment est vétuste ; un court ‐ circuit électrique aurait provoqué la catastrophe ; les pompiers, ralentis par le couvre‐feu, n’ont pas eu suffisamment d’eau sous pression pour sauver le bâtiment.
Seule la salle du conclave et les services financiers ont pu être sauvés.
On ne déplore aucune victime.
Les archives de la ville et une partie des fonds de la bibliothèque sont détruits.
La destruction de l’hôtel de Ville, bien que sans rapport direct avec l’occupation allemande, fait vite figure de symbole.
Voir liens et documents :
https://bel-memorial.org/cities/abroad/france/lille nord/lille monum fusilles.htm
https://eugeneturpin.blogspot.com/p/lexplosion-des-18-ponts.html
Guide des sources de la Première Guerre mondiale, Archives municipales de Lille
Le comité Jacquet, le réseau de résistance lillois de la Grande Guerre
Desruelles, Monument aux fusillés