Si près, si loin de la guerre, les peintres en mission aux armées
Mots-clés :
peintres, Flameng, Paul Nash, Maurice Denis, Félix Valloton, Otto Dix, Fernand Léger, Sem,
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1917, les artistes face à la Grande Guerre
Maurice Denis (1870-1943)
Soirée calme en première ligne 1917.
En 1917, Denis est de ces peintres qui sont sollicités par l'Etat-Major pour se rendre sur le front et en rapporter des tableaux. Il se rend dans l'Aisne et exécute à son retour cette toile paradoxale, dont il exclut toute référence au tragique.
Disposés en frise, sont rassemblés des agents de liaison qui poussent mollement leurs bicyclettes, un chien, un soldat chargé de bidons, un autre qui fend des bûches et un dernier qui lit une lettre. Le crépuscule a les couleurs claires qu'affectionne Denis et c'est à peine si l'on aperçoit quelques fumées au loin.
L’ambiance semblerait presque apaisée. Très distinct de la vision de Leger…
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François Flameng, peintre aux armées
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Sem, dessinateur humoriste
Les textes sont issus de la revue :
La Lettre du Chemin des Dames N°33, Novembre 2014
Félix Vallotton (1865 1925)
Le Bois de la Gruerie et le ravin des Meurissons, 1917
Suisse né à Lausanne. Il est trop vieux pour aller à la guerre alors il tient un journal iconographique sur ce qu'il ressent de la guerre. « C'est la guerre » : gravures sur bois inspirées des photos qui paraissent dans « le Miroir » (les soldats prennent bcp de risques pour faire des photos publiées là).
Puis il peint comme ici. Rien ne s'aperçoit des milliers d'hommes cachés dans les tranchées. La vue peut s'étendre loin, jusqu'à l'horizon. Elle peut balayer les pentes aux arbres mutilés et la plaine au loin. Elle n'observe rien de vivant, seulement quelques fumées blanches et les sillons à peine perceptibles des boyaux creusés dans le sol.
Rien de spectaculaire, et pourtant on peut imaginer ce qui a eu lieu quelques jours auparavant…
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Félix Valloton, peintre graveur et illustrateur
John Nash (1893 1977)
Over the Top, 30 décembre 1917
Anglais, sa santé l'empêche de s'engager au début de la Première Guerre mondiale. Pourtant, de novembre 1916 à janvier 1918, il sert dans le régiment des Artists' Rifles avec son frère. Sur recommandation de ce dernier, John Nash travaille officiellement comme artiste de guerre à partir de 1918.
Cette oeuvre est la plus célèbre de ses toiles. C'est la représentation d'une contre-attaque au pont de Welsh le 30 décembre 1917, au cours de laquelle le premier bataillon des Artists's Rifles quitte ses tranchées et progresse en direction de Marcoing près de Cambrai. Sur 80 hommes, 68 sont tués ou blessés dès les toutes premières minutes. Nash est l'un des 12 survivants du bombardement et il peint ce tableau 3 mois après.
John rapporte que son frère et lui peignaient pour leur plaisir seulement après 18 heures, une fois que leur travail d'artiste de guerre était terminé pour la journée, d’où les longues ombres projetées par le soleil du soir au centre du tableau.
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Paul Nash, peintre officiel britannique de la Grande Guerre
Fernand Léger (1881 1955)
La partie de cartes 1917
Artiste français mobilisé dans les troupes du Génie en 1914, Fernand Léger reste simple soldat jusqu’en 1917, date à laquelle il est hospitalisé puis réformé. D’abord sapeur puis brancardier, il est posté en Argonne et à Verdun. Il a réalisé de nombreux dessins de la guerre. Léger a peint cette toile, la plus vaste et la plus achevée de ses peintures de la guerre alors qu'il se trouve en convalescence près de Paris. les soldats ressemblent à des robots Le sujet n'a rien de tragique, ni même de guerrier à proprement parler Les soldats, dénués de physionomies et de regard, se décomposent en cônes, tiges, pyramides, cylindres. Ils ressemblent à des hommes-machines. Ils ne se distinguent que par les insignes de leurs grades et leurs décorations. L'espace où ils jouent est celui, étroit, fermé, d'une géométrie rythmée par des verticales à l'arrière-plan et des lignes brisées au centre. Des couleurs, ne restent qu'un peu d'ocre et le rouge, alors que dominent les gris bleutés des capotes, des casques et du métal. Elimination de l’humain Sec comme un dessin de géométrie. Verdun était ainsi pour Léger « l’académie du cubisme » : « Il y a dans ce Verdun des sujets tout à fait inattendus et bien faits pour réjouir mon âme cubiste. Par exemple, tu découvres un arbre avec une chaise perchée dessus. Les gens sensés te traiteront de fou si tu leur présentes un tableau composé de cette façon.
Pourtant il n’y a qu’à copier. Verdun autorise toute les fantaisies picturales. ». « Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux » OEuvre cubiste. A mettre en lien avec les joueurs de skat.
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Otto Dix (1891-1969)
Joueurs de cartes, 1920
Les joueurs de skat 1920
Invalides jouant aux cartes
Oeuvre réalisée en 1920 soit deux ans après la fin de la Première Guerre Mondiale. La guerre a envoyé au front un nombre important de soldats. Beaucoup n’en reviendront pas et ceux qui en reviennent ont été transformés, y compris physiquement (« gueules cassées » : les mutilés et invalides de guerre)
Le tableau, peu profond, deux plans. Au premier plan trois hommes jouent aux cartes autour d’une table ronde. Les chaises cannées, le porte-manteau et les journaux suspendus par des réglettes en bois à l’arrière-plan donnent l’impression que la scène se passe dans un lieu de détente (un café). Une lampe contenant une forme étrange (un crâne ?) éclaire faiblement la pièce.
Les trois personnages sont visiblement des invalides de guerre. Leurs visages comme leurs corps en gardent encore les séquelles.Le joueur situé à droite du tableau : corps coupé au niveau du bassin, tient en équilibre sur le tabouret du bar grâce à une sorte de support métallique. Bras droit remplacé par une prothèse articulée. Les deux joueurs les plus à droite de l’image portent une prothèse de mâchoire en métal. nez caché par un bandeau, tuyau auditif.
Couleurs ternes, voire sombres. Courant artistique : Expressionnisme.
Dix écrit : « La guerre est quelque chose de bestial ; la faim, les poux, la boue, les bruits d’enfer. Tout est vraiment différent. C’est que voyez-vous j’ai eu l’impression en voyant les tableaux du passé, qu’une partie de la réalité n’avait jamais été représentée, le laid. La guerre était une affaire monstrueuse, mais malgré tout quelque chose de puissant. Il ne fallait en aucun cas que je manque de cela. »
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Otto Dix, 23 ans en 1914